Chapitre 27

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Après avoir parcouru la moitié de la pièce, on m'arrêta devant une couveuse recouverte d'une couverture à dominante rose avec des oursons. L'infirmière bougea de derrière mon dos et retira la couverture de l'appareil pour la plier et la déposer sur le dossier d'un fauteuil. Mon cœur battait à tout rompre. Je m'approchai de quelques centimètres avant de découvrir, au milieu d'un nid d'ange, ma fille. Elle était branchée de partout: elle avait une petit lumière rouge au pied afin de contrôler son taux d'oxygène dans le sang, elle avait des électrodes un peu partout sur l'abdomen, une espèce de masque à oxygène et enfin une perfusion au nombril. Elle était, en plus, entouré par des machines à l'extérieur de l'enceinte dans laquelle elle se trouvait. Il y avait des scoops et autres appareils qui faisaient divers bruits.

   Je ne pouvais pas la porter à cause de sa perfusion, néanmoins, je pouvais la toucher. La jeune femme qui m'accompagnait m'ouvrit les hublots de la couveuse par lesquels je pourrais passer mes mains et le début de mes avant-bras. Julien était derrière moi, je n'osais pas le regarder. Pourquoi? Je ne peux l'expliquer. Peut-être par peur de sa réaction.  Ce fut seulement quand l'infirmière nous laissa seule que je le regardai. Il s'accroupit à côté de moi et posa une de ses mains sur mon genou et l'autre dans mon dos. Il me sourit et je posai ma tête dans son cou. Je n'osais pas la toucher, mais le voyant essayer, je le fis.

   Je passai ma main tremblotante par le hublot qui n'était pas pris. Je regardais ma fille, toute rose avec un petit bonnet jaune. Elle était si petite et avait l'air si vulnérable. Son ventre inspiré  et expiré très vite. Elle avait les yeux fermés. Malgré tous les tuyaux qui étaient présents, je ne voyais que ma fille et je les ignorais. Je lui touchai la main avec mon index, elle la bougea brusquement avec ce genre de mouvement si rapides et si mignons. Julien et moi nous regardâmes et esquissâmes un sourire. Alice, cela me fait bizarre de l'appeler ainsi moi qui disais "mon bébé", "ma fille", se mis à avoir la poitrine qui bougea très vite : je devais lui avoir fait peur. Elle était adorable. Je n'aurais jamais cru que j'aurais pu aimer un bébé autant.

   Sur les parois de sa couveuse, était collé un bracelet de naissance, en plus de celui qui lui était attaché sur le bras. On pouvait y lire : Alice RAOUX, 23/03/13, Dublin. Ce bébé que j'avais porté pendant six mois de mon ventre possédait enfin un visage, un vrai. Elle avait un nom, une identité, un physique et un caractère qui se forgerait de jour en jour. Tout le stress que j'avais accumulé au cours des jours avant sa naissance depuis l'information de ma grossesse se remplaça par le stress de la réanimation néonatale.

   Il fallait appeler un chat un chat. Ma fille était très faible, toute petite et vulnérable. Sans ses machines et hors de sa couveuse, elle aurait une espérance de vie aussi longue qu'un éphémère. J'avais une peur intérieure pour sa minuscule vie que je n'osais pas montrer à Julien et à moi-même. Julien...

  Et oui Julien. Lui aussi avait sa part  dans l'histoire: c'était lui le papa de la petite Alice sans vraiment le désiré. Il m'a supporté pendant six mois et surtout pendant un peu moins de deux semaines. Et puis maintenant il était engagé dans cette paternité -qui tout comme pour moi - n'était pas vraiment voulu du moins pas dans ce moment précis. Mais lui, comme toujours souriait et disait rien. Il avait abimé ma carapace de fer à notre première rencontre et me l'avait totalement détruite par la suite mais lui...lui en avait une qui était même plus dure et plus rigide que la mienne. C'est vrai. Il ne me disait presque rien de sa vie, de ce qu'il ressentait. Sa vie privée avant moi, il ne l'abordait jamais; je savais juste que quelques mois avant notre rencontre, notre tout premier regard (le lundi  vingt-cinq juillet deux-milles douze je m'en rappelle comme si c'était hier), il venait de rompre avec une certaine Mélanie avec qui il avait partagé plus de trois ans de sa vie. Cette Mélanie il ne m'en parlait jamais et je n'osais jamais en parlé. J'étais comme gênée et pour lui et pour moi car cela devait être douloureux et puis je ne voulais pas que l'on se dispute à cause d'un sujet avec aussi peu d'importance (selon moi bien-sûr). Cette précédente histoire d'amour devait continuer de le faire souffrir car Julien, oui Julien était de nature très réservée et pudique, il n'exprimait jamais ses sentiments pleinement même à travers ses chansons et à moi.

Peut-être qu'il essayait de ne pas commettre les même erreurs qu'avec cette Mélanie, je n'en savais rien. Je me suis toujours demandé si il l'aimait encore, que si il la revoyait un jour il ne retomberait pas une nouvelle fois amoureux d'elle.

   Néanmoins, notre histoire à lui et à moi possédé quelque chose de plus puissant: nous avions un enfant. On ne pourrait plus changer l'histoire. Qu'Alice ait une vie brève ou longue, qu'il parte ou nous, nous avions un enfant. Oui !

Cela faisait déjà une heure que j'étais en présence de ma fille. J'aurais tellement voulu la portait mais j'avais peur : elle était si petite. Julien et moi ne regardions qu'elle et parcourions de vos doigts son petit corps fragile. Une infirmière vint interrompre notre moment de bonheur: nous devions laisser Alice se reposer et moi aussi je devais avoir du repos. On ferma les hublots et la jeune femme déplia la couverture et la remis sur la couveuse de ma fille. On me ramena à ma chambre après avoir parcouru une nouvelle fois les longs couloirs. Je m’installai sur le lit qui venait d'être fait avec des draps propres. Quand elle fut partie, Julien s'approcha de moi et m'embrassa. Il me souriait et s'assis sur le rebord de mon lit à côté de moi. Je m’adossai sur sa poitrine, il passa son bras autour de mes épaules et posa sont menton sur le dessus de mon crâne. Je m’assoupis, rassurée d'avoir pu voir mon bébé, de savoir où elle se trouvait et dans quel état. Peu avant de m'endormir je murmurai à Ju :"Julien, je t'aime". Il me répondit: "Moi aussi".

Intrusøs (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant