Chapitre 12 : Le réveil de Graham Campbell

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               PDV Graham Campbell

Comment on éradique la tristesse ? Comment on s'en débarrasse lorsqu'on n'en connaît même pas la cause ? Apparemment l'esprit humain se met en mode mélancolie lorsqu'il ne trouve aucune raison valable de passer en mode joie. Ou alors je suis juste très enclin à la déprime. On m'a toujours dit que j'avais l'air extrêmement placide. Insensible. Mais en vérité j'ai juste du mal à arborer une quelconque expression faciale. Et à vrai dire je me trouve assez laid quand je souris. Franchement quelle phrase déprimante. Donc c'est moi qui me déprime tout seul. Pourquoi je pense à ça a mon réveil ? J'ai jeté un oeil à mon bureau parfaitement rangé. Je ne suis pas maniaque, mais je trouve juste que c'est beau et que ça ne demande aucun effort. Mes livres y sont parfaitement empilés, de l'attrape coeur au seigneur des anneaux. Peut être devrais je en relire un, histoire de penser à autre chose. Mais je les ai tous lus au moins quatre fois chacun... Comment je peux me complaire dans tant d'inaction ? Je suis immortel ! Je suis un gardien ! Pourquoi j'ai ce blues ? Ça m'arrive si souvent. Ça ne fait que me rappeler que je reste un simple adolescent humain sans réelle occupation ni projets. Je veux dire... Je suis immortel, donc tout ce que je veux faire je peux le faire, ça ne posera aucun problème peu importe les obstacles. Mais je n'ai aucun centre d'intérêt. Aucune réelle envie ou ambition. Je ne sais même pas pourquoi. Avec une volonté aussi faible j'ai même peur d'affaiblir ma magie... Voilà un truc que je peux faire ! Si je ne peux rien faire autant m'entraîner que de rester dans l'inaction. J'ai enfilé mon jogging, mon sweat, mes baskets et j'ai pris mon téléphone et mes écouteurs. Je suis descendu illico pour tomber sur Euthania, absorbée par un groupe de cahiers, occupée à écrire à grande vitesse sur divers papiers des formules.
-Deja réveillée ? ai-je dit.
-J'etais trop occupée avec les manuels de terminale et j'ai oublié de faire les devoirs de Maths.
-Ah, c'est inhabituel chez toi d'oublier ça, madame élève exemplaire.
J'ai commencé à faire un petit échauffement.
-Rigole pas, je suis sûr que Jay aussi aura oublié. Et vu les heures auxquelles il se réveille il aura de la chance si il réussit à les rendre à temps. Cette fois je ne le laisserai pas copier.
-Evidemment. Mais la prochaine fois essaie de faire les devoirs de ton niveau, tu es déjà assez en avance comme ça. Allez, moi je vais courir !
-A plus, kilogramme. dit elle sans lever le nez de son cahier.
Un petit surnom affectueux. Ça fait du bien à entendre. "Graham, t'es assez effrayant comme mec". J'ai souvent entendu cette phrase. Il est vrai que ma carrure imposante et mon visage inexpressif peuvent prêter à confusion, et je pense que c'est la principale raison pour laquelle je n'ai pas beaucoup d'amis en dehors de mes frères et soeurs mais si seulement ils savaient à quel point ils se trompent...
J'ai mis les écouteurs et j'ai envoyé la musique. J'ai jeté un dernier coup d'oeil à Shamira. Mon smartphone indiquait 5 heures du matin, mais elle devait être réveillée depuis une heure au moins. De nous tous il me semble que c'est celle qui se réveille le plus tôt. Alors que "Fly me to the moon" de Frank Sinatra prenait place dans mes oreilles je me suis élancé dans les rues froides, vide et un peu sombre de notre quartier. Le printemps n'avait pas encore fait de l'aube son territoire. Les gens préfèrent courir ou s'ambiancer sur des chansons plus énergique, plus rythmées. Mais moi j'aime mes chansons douces, j'aime le calme et la beauté de l'obscurité. Je suis pas méchant, en vrai. Ni même très brutal ou enclin à la violence. Mais avec ma personnalité, j'aurais sûrement des ennuis si je n'étais pas bâti comme je le suis. Alors que je courais à un rythme soutenu, mes pensées venaient au rythme de mes respirations. Je me sentais en vie, lorsque mon corps était en action et que mon sang transportait tout mon énergie. Mais étais-je vraiment destiné à me battre et à faire du sport pour me sentir vivant ? Il n'y à aucun moyen de ressentir l'intensité de la vie dans le calme et la joie ? Est-ce qu'un immortel peut ressentir l'intensité de la vie ? La magie est belle pourtant. C'est la seule chose belle qui peut faire autant de dégâts. Garder de la beauté même dans la violence, c'est vraiment quelque chose d'illogique. Bon... Qu'en est il de ma tristesse ? Je me sens vivre pourtant. Apparemment de sentir vivre et être heureux c'est pas forcément la même chose. Comme quoi notre humeur n'influence pas toujours nos actes et vice versa. Peut être que je suis triste parce que je m'ennuie ? J'ai pas fait grand chose d'excitant dernièrement. Je pourrais pimenter un peu ce trajet de jogging, histoire de m'amuser ? Et voilà que j'entame un sprint intense, faisant quasiment du parcours sur les routes qui se réveillent. Je me suis alors retrouvé au parc, assis sur un banc, à peine essoufflé. Les joggeurs passaient régulièrement devant moi. Le sprint n'avait rien eu d'extrêmement excitant. Dans le buisson derrière moi un bruit se fit entendre. J'ai regardé, un chaton gisait recroquevillé sur lui même au milieu de branches et de feuilles. Du sang imbibait sa fourrure au niveau de sa cuisse. Il miaulait faiblement. Je me suis tourné à droite et à gauche. Personne. Oserai-je ? Ce serait prendre un gigantesque risque... Le plus vite possible, sans réfléchir, j'ai bondi du banc et je me suis agenouillé près du chaton qui n'avait même pas la force de protester. J'ai enlevé la bague et j'ai tendu ma main vers lui. J'ai générer aussi peu d'énergie que possible, j'en ai recouvert sa plaie apparente histoire d'accélérer la régénération et aussi de soigner sa fatigue. Je n'avais aucune réelle notion de magie guérisseuse mais par instinct j'ai deviné que ça devait marcher comme ça. Et heureusement, la plaie a semblé doucement se refermer. Mais des pas se firent entendre au loin. Quelqu'un approchait et la plaie était à moitié refermée... Je devais faire vite sinon les résidus de mon énergie pourraient engendrer une nouvelle victime de logique. Calme toi et concentre toi, Graham. Soigne le. La plaie se referma plus vite mais il était toujours en mauvais état. Et la personne approchait. J'ai alors pris le chaton et je l'ai posé sur le banc de manière à ce que la personne passant devant le remarque. Espérons que ce soit une âme charitable... Je me suis aplati par terre, automatiquement. Je ne sais pas pourquoi. Je pourrais aussi bien l'amener à la maison en réalité. Pourquoi n'y ai-je pas pensé ?
-Oh... Tu m'as l'air mal en point... Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Comment tu es arrivé la ? Attends je vais t'amener à un vétérinaire. dit une voix féminine assez jeune. Au son des pas, j'ai compris qu'elle était partie. Lorsque je me suis relevé j'avais encore peur que des restes de mon énergie la rende malade. De loin elle devait avoir mon âge. Pourquoi je me suis caché ? Pourquoi je ne lui ai pas expliqué un peu de la situation ? On aurait pu amener le chaton au vétérinaire ensemble. Je n'avais plus trop envie de courir pour revenir à la maison. On peut dire qu'en quelque sorte un peu de ma tristesse était partie.

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Les Immortels : La naissance d'Athanatos, Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant