Chapitre 9

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Karma poussa lentement le portillon du parc et entra. Il fut assez surpris de voir une silhouette sur la balançoire, avant de remarquer la couleur des cheveux de cette personne. Asano lui jeta à peine un regard quand celui se rapprocha, assez hésitant. Il s'assit lentement sur la balançoire à côté du roux et observa les larmes qui dévalaient les joues de son ancien ami. Il se demandait la raison de ces pleurs, avant de se souvenir de la date du jour.

- Oh. C'est aujourd'hui, c'est ça ?

Gakushu hocha seulement la tête, puis prit une expression de surprise quand le rouge passa une main sur son dos.

- Ça va aller. T'es pas tout seul. Pas cette fois.

Karma fredonna doucement un air qui fit pleurer Asano de plus belle, tandis que le rouge l'entraînait sur un banc et le prit dans ses bras. Cette chanson, il n'y avait qu'eux qui la connaissaient. C'était l'air que jouait la boîte à musique de la mère de Gakushu, et aujourd'hui, cela faisait treize ans qu'elle était morte. Chaque fois qu'il était triste, le roux l'écoutait et l'espace de quelques instants, le monde semblait plus clément avec lui.

Ils restèrent longtemps dans cette position, Karma les bras passés autour de Gakushu, et ce dernier la tête nichée dans le cou du rouge. L'assassin sentait les larmes de son ami couler dans sa nuque et se glisser sous sa chemise, tandis que le corps du prodige tressautait de temps à autre. Il lui caressa doucement le dos et petit à petit le plus âgé se calma et cessa définitivement de pleurer, ne mettant pas fin à leur étreinte pour autant.

La première fois qu'ils s'étaient rencontrés, Gakushu pleurait déjà. Il pleurait la mère qu'il n'aurait jamais, et le vide qu'elle avait laissé dans son cœur. Alors ce jour là, Karma était allé le voir. Ils avaient parlé pendant longtemps, et de là leur amitié était née. C'était sûrement pour cela que la situation semblait tellement étrange à Karma. Rien n'avait changé au final. Ils avaient beau avoir grandi, Asano pleurait et Karma le réconfortait encore.

- Est ce que tu te souviens de ce que tu m'as dit la première fois ?

Karma releva la tête, surpris par la petite voix triste du roux. Il sourit doucement et repris ses caresses dans le dos de son ami.

- Bien sûr.

- Tu pourrai le redire ?

- Moi, ma mère me regarde sans me voir. Je préférerais porter le poids de sa mort plutôt que celui de son ignorance.

- Tu le penses encore ?

- Non. Non, bien sûr que non. J'ai appris la valeur d'une vie, et personne ne mérite de mourir.

- Tant mieux alors... C'était tellement stupide... mais si réconfortant. Je suis un imbécile, n'est ce pas ?

Inconsciemment, Karma resserra sa prise et rapprocha un peu plus le roux de lui. Celui ci ne dit rien, se laissant aller, car après tout c'était tellement réconfortant et oh qu'il était bien dans les bras de Karma. Il se sentait protégé, et la chaleur que dégageait l'adolescent était agréable. Si il y a encore quelques jours on lui aurait dit qu'il se retrouverait dans les bras de Karma, il ne l'aurait pas cru. Maintenant, il ne voyait aucun autre endroit où il aurait pu être.

Les derniers rayons du soleil disparurent à l'horizon, plongeant le parc dans une semi obscurité. Ils restèrent encore quelques instants silencieux, puis Gakushu se releva doucement, au grand dam de Karma qui ne le retenu pas pour autant.

- Je devrais y aller... Merci pour... ça.

- C'est rien. C'est normal, après tout, on est amis.

C'était à moitié une affirmation, à moitié une question. La réponse était décisive, et tous les deux le savaient. Le roux sourit calmement, répondant ainsi que oui, ils étaient amis. Il salua le rouge de la main et s'éloigna, pendant que le regard de Karma restait fixé dans son dos. Est ce qu'il allait vraiment le laisser partir, et ne plus avoir de nouvelles pendant le reste des vacances ? Non. Il ne pouvait pas faire ça. Ils avaient encore tellement à se dire... Karma s'élança à sa poursuite et le rattrapa en courant.

- Attends ! Ça te dirait, de... venir dormir chez moi ?

- Quoi ?

- Je... Je sais pas, je me disais juste que tu pourrais venir.

- Mais mon père...

- Va à peine remarquer ton absence. Désolé, poursuivit il en voyant la mine déconfite d'Asano. J'aurais pas du dire ça, mais il faut reconnaître que c'est pas totalement faux. Alors viens. S'il te plaît.

- Je ne sais pas, c'est...

- Je veux que tu viennes. Vraiment. Ça fait tellement longtemps et... Ça me ferait plaisir. Je veux être avec toi le plus possible, parce que tu es une personne extraordinaire et que j'ai attendu beaucoup trop de temps pour te laisser partir encore une fois. Alors viens.

Gakushu fit un pas vers Karma et plongea son regard dans les orbes carmines qui le dévisageaient.

- Qui êtes vous et qu'avez vous fait à Karma Akabane ? Depuis quand tu montres tes émotions, toi ?

- Au moins, j'aurai tout essayé.

- Et bien, j'imagine que la sincérité a parfois du bon. C'est d'accord.

- C'est vrai ?

Asano acquiesça et ils recommencèrent à marcher l'un à côté de l'autre, appréciant le silence et le calme ambiant. Ils arrivèrent chez le rouge une dizaine de minutes plus tard, toujours sans décocher un mot. Chacun était plongé dans ses pensées, allant de se remémorer leurs souvenirs communs à se questionner sur l'avenir, leur avenir ensemble. Karma se déchaussa et regarda Asano qui regardait simplement la maigre décoration du salon.

- Je ne me souvenais pas que c'était comme ça ici.

- En même temps, tu n'es venu qu'une seule fois.

- J'ai une bonne mémoire d'habitude.

- Hum. Tu veux prendre ta douche, ou...

- Je veux bien. Merci.

Karma lui prêta des vêtements et le roux s'enferma dans la salle de bain. Le rouge redescendit dans la cuisine et soupira. Est ce que ça avait toujours été aussi froid entre eux ? Il avait plus de blocage avec Asano qu'avec un autre ami alors qu'il était sans doute une des personnes qu'il connaissait le mieux.

Il prit de nombreux aliments au hasard et commença à faire à manger, sans vraiment regarder ce qu'il faisait. Gakushu le rejoignit quelques minutes plus tard et s'assit au bar de la cuisine, fixant Karma. Celui ci se retourna, perturbé par ce regard transperçant.

- Il y a un problème ?

- Non. Je me demande simplement pourquoi tu mélanges de la farine avec des pâtes et du sucre.

Akabane fronça les sourcils et regarda ce qu'il avait fait. En effet, ça avait l'air d'être immangeable.

- J'étais... distrait. On va dire.

- Vraiment ?

- Et on peux pas dire que la cuisine c'est mon point fort, ni que ça me passionne, donc...

- Tu me supplies de t'aider à faire à manger alors que je suis l'invité ?

- Je n'irais pas jusqu'à dire que je te supplies, mais oui, ton aide est la bienvenue.

Asano se leva en riant et s'approcha de Karma. Il prépara à manger sous le regard silencieux du rouge, et lorsqu'il se retourna après avoir fini, Karma lui lança de la farine au visage.

- Sérieusement ?

- Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit le plus jeune en passant sa main sur la joue du roux, étalant encore plus la poudre blanche.

- Si tu veux jouer à ça...

S'en suivit une bataille de nourriture mêlée entre farine, œufs et tout ce qui leur tombait sous la main. Après qu'ils eurent épuisés leur stock de munitions ils commencèrent un duel de regard, le front de Karma presque collé à celui d'Asano. Ils marchaient même temps, si bien que Gakushu glissa sur une coquille d'oeuf et se retrouva au sol du salon, entraînant Karma dans sa chute.

Leurs visages étaient collés l'un contre l'autre et ils pouvaient sentir la respiration essoufflée de l'autre se mêler à la leur. Karma glissa sa main derrière l'oreille du plus âgé et caressa ses mèches rousses, son regard plongé dans les yeux violines d'Asano.

- Je...

Mon passé, mon présent et mon futurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant