Chapitre 14

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- L'année dernière, après mon renvoi, j'étais... quelqu'un d'autre. Je crois que j'étais détruit par tout ce qu'il s'est passé, toi, mes parents... Je voulais juste pouvoir me défouler, peu importe sur qui. Koro a été une cible idéale à mes yeux. Le premier jour, j'ai tout fait pour me faire détester et exclure par les autres. Le deuxième jour, je me suis fait humilié et ça me rongeait. Je ne voulais pas échouer, je ne pouvais pas. J'étais tellement désespéré que je me suis jeté du haut de la colline. Je voulais le détruire, physiquement ou mentalement. Mais il m'a sauvé, et je crois que à partir de ce moment je me suis senti mieux. J'ai pu m'intégrer aux autres, et je me suis fait des amis en lesquels j'ai réellement confiance. J'ai appris de mes erreurs, et j'ai tout fait pour être quelqu'un de meilleur. Quand on est allés à Okinawa, j'ai enfin pu prouver qui j'étais. J'ai battu cet assassin, mais sur le moment, tout ce que j'arrivais à penser c'était : «j'ai grandi. Je suis devenu ce que je veux être, et ça me va.» J'ai arrêté de me mentir, et ça m'a rendu heureux. Et puis il y a eu les examens. Ça aussi ça a été une révélation pour moi. Parce que pour la première fois depuis longtemps, je n'étais pas seul. Les autres me soutenaient, ils croyaient en moi et je croyais en eux. Et je pense que c'est ça qui te manquait. La seule personne qui a pu croire en toi, et construire une vraie relation avec toi, c'est moi, pas vrai ? Et le fait de ne plus m'avoir, c'est horrible. Je le sais parce que ne plus t'avoir était la pire chose du monde. Mais même si j'ai réalisé que je n'étais pas seul, j'ai compris quelle était la personne qui me manquait. Je ne voulais pas admettre que cette personne me rendait faible, alors je me suis concentré sur tout et n'importe quoi. Sur mon but principal, tuer Koro, et peu importe les avis des autres, c'était ça que je devais faire. Je voulais que ça soit moi qui lui apporte le coup fatal, parce que j'aurais ainsi pu prouver au monde entier que j'étais le meilleur. J'aurais pu le prouver à mes parents. Ils m'auraient aimé pour au moins une chose, peu importe les sacrifices que je devrais faire. Mais au moment venu, alors que j'aurais pu le tuer, j'ai échoué. J'ai senti le regard des personnes qui attendaient que je me porte volontaire pour le faire, mais je n'ai pas pu me résoudre à le faire. Nagisa a pu. Et ça, c'était à la fois la chose la plus logique et la plus illogique possible. Il a toujours dit qu'il voulait le sauver, mais il a une âme d'assassin. Et il l'a tué. La suite, tu la connais.

Karma ferma les yeux, et un silence s'installa. Ce n'était pas particulièrement gênant, ils se connaissaient trop bien pour cela, et cela leur permettait de réfléchir.

- Est ce que monsieur Koro était au courant, pour... nous ?

- Je ne vois pas comment il aurait pu l'être. Je n'en ai jamais parlé à personne, et on faisait semblant de se détester.

- Moi je crois qu'il l'était. Dans son livre, il y a marqué une phrase, un peu étrange. Le seul contexte qui me semble plausible, ça serait qu'il soit au courant.

- Je ne sais pas. Parfois il paraissait connaître chaque détail de nos vies, alors qu'il ne nous a jamais connu avant. C'est quoi cette phrase ?

- «Dans la vie il y a des gens que tu ne rencontrera qu'une fois. Et si ces gens là sont vraiment précieux pour toi, alors ne les laisse pas partir, sinon tu éprouveras des regrets toute ta vie. Ne laisse pas les doutes s'emparer de toi, et recolle les morceaux avec ceux que tu aimes.» C'était entre une recette de cuisine et un autre truc sans importance, donc ça m'a semblé bizarre.

- Koro était bizarre, donc c'est pas si étonnant. Même si il savait, ce n'est pas une chose donc j'ai spécialement honte. Je pourrais crier au monde entier à quel point notre amitié est précieuse.

- Et à quel point est elle précieuse pour toi ?

- Au point où tu es le seul à qui je peux me confier, en qui j'ai confiance. Au point où je préférerais passer ma vie avec toi plutôt qu'avec tous ces hypocrites. Au point où...

Karma s'arrêta dans son élan, brusquement, sans raison apparente. C'est vrai ça, à quel point ? Au point où il pourrait se tuer pour rendre Gakushu heureux. Au point où chaque sourire qu'il voyait sur le visage du roux faisait accélérer les battements de son coeur, et qu'il sentait sa poitrine se retourner à chaque regard, à chaque parole. Au point où il voulait qu'Asano ne soit plus son ami, mais bien autre chose, parce que oui, il l'aimait tellement qu'il le voulait sien.

- Karma ? Est ce que ça va ?

- Oui, désolé, répondit il en secouant la tête pour revenir à la réalité. J'ai pensé à un truc, et je me suis déconnecté, mais ça va.

Le roux lui sourit, et il sentit son coeur battre la chamade. Il inspira lentement, comme pour se calmer, et lui sourit en retour. Si il commençait à penser à plus qu'une amitié, il allait gâcher toute relation entre eux, et c'était bien la dernière chose qu'il voulait.

- Bon on y va ?

- Et on va où ?

- Manger, dépenser de l'argent, profiter... Il y a une fête foraine dans la ville d'à côté, donc on peut aller y faire un tour.

- C'est tentant.

Karma sourit et lui attrapa la main. Ils descendirent la colline et se dirigèrent vers le centre ville. Ils montèrent dans un taxi et prirent la direction de la fête foraine.

Arrivés là bas, ils restèrent subjugués par le spectacle qui se déroulait devant eux. Le parc était illuminé, les allées remplies de monde, les attractions se découpaient sur des centaines de mètres et une délicieuse odeur de sucreries se dégageait.

- Prêt à passer une des meilleurs soirées de ta vie ?

- Tu parles que je suis prêt.

Mon passé, mon présent et mon futurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant