- Tu vas partir ... ?
Karma se redressa et lâcha Gakushu.
- Tu vas partir... Et moi je vais être seul...
- Karma...
- Tu vas m'abandonner comme tous les autres...
- Ne dis pas ça. Je t'en prie, tu sais très bien que je ne t'abandonnerai jamais.
- Mais tu vas partir, et je resterai à attendre, comme à chaque fois !
Il quitta son lit et s'avança vers la porte de sa chambre. Le roux le suivit et lui attrapa le poignet, seulement Karma se dégagea immédiatement. Il n'avait jamais été violent en présence d'Asano, il avait encore moins dirigé cette violence vers le roux, et pourtant, il venait de le rejeter.
- Qu'est ce qui te prend ?
- Rien.
- Arrête. Je t'ai déjà dit que je ne supporterai pas cette réponse indéfiniment.
- Et alors, tu vas faire quoi ? Partir ? Dommage, c'est déjà le cas.
- Hey, je ne le veux pas ! Tu crois vraiment que je partirai de mon plein gré loin de ma vie, et de toi ?! Je veux rester avec toi, je le veux plus que tout au monde ! Mon père ne me laisse pas le choix.
- Alors tu vas partir, sans rien dire ?
- Qu'est ce que tu veux que je fasse ? C'est mon père, et je suis mineur.
- Tu as dix sept ans. Dix sept putains d'années, ne me dis pas que tu ne peux rien faire.
- Karma...
Le rouge se retourna, regardant enfin son interlocuteur. Et comme il s'y attendait, après avoir vu ses yeux, il craqua. Un sanglot mal contenu traversa sa gorge et une larme lui échappa. Gakushu s'approcha et le prit dans ses bras. Il passa sa main sur sa nuque et déposa ses lèvres sur son cou.
- Je suis désolé.
- Non. C'est moi. Je suis devenu trop dépendant.
- Je le suis aussi. Tu vas me manquer. Mais ça ne sera pas définitif. Juste un an ou deux, et je reviendrai.
- C'est long un an, deux encore plus.
- Pas tant que ça. Et puis on reste en contact. Je viendrai te voir.
Karma attrapa Gakushu par le menton et le regarda. Ses yeux dévièrent sur ses lèvres entrouvertes, et là, il n'allait plus rien faire d'autre que les fixer, même si il ne voulait pas. Il voulait l'embrasser. Il en avait envie, plus que jamais. Il s'était retenu jusqu'à maintenant, mais là, il ne pouvait plus résister.
- Je ne peux pas faire ça...
Asano fronça les sourcils alors que le rouge le lâcha.
- De quoi tu parles ?
- Bon, il reste trois semaines avant ton départ. On a encore plein de choses à faire.
- Karma.
- Non. Pas de discussions qui vont faire qu'on va se disputer, que tu vas partir, et qu'on ne va plus se parler pendant plusieurs années. On a déjà donné, maintenant laisse nous vivre tranquillement.
- Donc ce que tu caches pourrai nous éloigner ?
- Tu n'abandonneras jamais, pas vrai ? Je ne dirai rien. Laisse moi profiter du temps qu'il reste.
Gakushu sourit, un peu tristement, et les deux adolescents passèrent la soirée ensemble, ainsi que la nuit. Le lendemain, il se réveilla avant Karma, et après avoir déposer un baiser sur sa joue, il sortit de la chambre et rentra chez lui.
Karma se releva brutalement quelques minutes après, et par réflexe il tapota à côté de lui. Il ne trouva que des draps vides, et aucune présence du roux. Il ferma les yeux et inspira lentement, puis essuya la sueur qui perlait sur son front. Gakushu n'était pas là. Il était seul.
Les deux adolescents ne se virent pas du week end, Asano étant occupé à préparer son départ. Le lundi matin, le rouge se posta devant la maison de son ami, et l'attendit. Alors que celui ci sortait, Karma aperçut Gakuho qui les regardait depuis la fenêtre. Il lui lança un regard meurtrier qui fit à peine réagir l'adulte, ne provoquant qu'un sourire sadique sur ses lèvres.
Gakushu tira sur le bras du plus jeune pour le faire avancer, mais celui ci restait immobile. Karma serra les poings et fit un pas vers la maison.
- Qu'est ce que tu fais ?
- Je vais lui casser la gueule, ça se voit pas ?
- Quoi ? Hé, arrête. Regarde moi.
Le roux se posta entre son ami et sa maison et plongea son regard dans celui de l'assassin. Ce mot n'avait sûrement jamais été aussi approprié pour décrire l'adolescent. Il était tendu, et ses yeux dégageaient une lueur de colère que Gakushu n'avait encore jamais vu. Il passa sa main sur la nuque de Karma qui se crispa quelques secondes et l'attira à lui.
Ils se retrouvèrent le front contre celui de l'autre, leurs visages à quelques millimètres. Le regard de Karma dévia sur les lèvres du roux, comme à chaque fois qu'il le regardait, et il ferma les yeux en soupirant.
- Ça va, on peut y aller. J'imagine que tu ne dois pas arriver en retard pour les quelques jours qu'il reste.
Il attrapa la main d'Asano et l'entraîna, après un dernier regard à l'adulte qui les fixait toujours, mais cette fois le visage grave, ayant perdu toute sa malice.
Les cours défilèrent lentement, comme à leur habitude. Gakushu avait passé la pause du déjeuner avec Ren et les autres prodiges, ce qui avait contrarié Karma. Comment était il sensé profiter de son meilleur ami si celui ci passait son temps avec d'autres ? Bien évidemment, il était incapable de résister à l'envie d'être avec le roux, alors il avait beau lui en vouloir, il essayait de ne pas le montrer.
Le soir, ils se promenèrent longtemps dans la ville, main dans la main. Ils restaient silencieux, n'ayant même plus besoin de parler pour comprendre ce qu'ils pouvaient ressentir, et se contentaient d'un simple contact.
Cette routine se répéta jusqu'au dernier jour de classe. Tandis que les cris de joie retentissaient autour d'eux, les deux adolescents ne pensaient qu'à une seule chose : le départ de Gakushu. Ils sortirent du lycée et commencèrent à rentrer chez eux. Au moment de se séparer, ils se regardèrent d'abord, immobiles, puis Karma attira Asano à lui et entoura sa taille de ses bras. Le roux lui rendit son étreinte pendant plusieurs minutes, puis se détacha et après un dernier sourire, rentra chez lui.
Le silence était préférable aux mots, et tout deux le savaient. Si jamais ils parlaient, l'un risquait de se mettre à pleurer et l'autre l'aurait suivi dans une crise de larmes. De plus, aucun d'eux ne voulait transmettre ses sentiments et faire paraître à quel point ils avaient besoin l'un de l'autre.
Karma rentra chez lui en traînant des pieds. Il n'aimait pas sa maison, lorsque chaque pièce, chaque meuble lui rappelait Gakushu. Son odeur était encore palpable, bien qu'elle s'estompait de plus en plus. Il s'allongea sur le lit et enfouit sa tête dans son oreiller.
Il s'assoupit rapidement, épuisé par le manque de sommeil qu'il avait accumulé ces derniers temps. Il ne se souvenu pas de ce dont il avait rêvé, mais toujours est il qu'il se redressa avec une pensée précise en tête.
Il mit rapidement ses chaussures et sa veste et quitta sa demeure, prenant un taxi pour l'aéroport. Il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas le laisser partir, sans même lui dire qu'il l'aimait.
Il arriva une heure plus tard, et alors qu'il entrait dans le hall, un avion décollait, prenant la direction des Etats Unis.