9. Querelle & baisers volés

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Slow my heart rate down - Callum Pitt
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9 mars 1946, huit heures et vingt minutes

Après une longue douche exaltante, je me sens réveillée. Le soleil matinal me met de bonne humeur et, pour rendre ma journée davantage meilleure, mon père est resté à la maison ce matin. Il est venu me l'annoncer lui-même en me réveillant il y a une heure environ. J'étais si contente que je l'ai enlacé en pleurant. Oui, je suis sensible. Néanmoins, ce moment ne m'a pas aidée à oublier ce qui s'est déroulé hier soir. Sur mes lèvres se trouve encore les traces de ses baisers, les stigmates de notre échange soudain et passionné. Et, dans ma tête, cet instant se répète sans cesse comme une chanson dont l'air ne veut pas sortir de l'esprit. Il m'est impossible de ne pas y penser, c'est plus fort que moi. Encore perturbée, je brosse mes cheveux, assise devant ma coiffeuse, le regard perdu dans le vide. Ma peau réclame la sienne, mon cœur son affection et mes mains les siennes. Et je sais pertinemment que si mon paternel l'apprend, il nous obligera à partir vivre ailleurs. Or, je ne le veux pas. Jamais.

— Gabriele ? Sweetie, tout va bien ?

Je sursaute à l'entente de la voix de mon père. Lorsque je tourne la tête vers lui, il fronce les sourcils.

— Pourquoi pleures-tu ?

Oh mince. J'essuie rapidement mes joues, pose ma brosse sur la table et me lève.

— Ce n'est rien, papa. Es-tu prêt ?

Il acquiesce en souriant. J'attache quelques mèches de cheveux à l'aide de barrettes et teinte mes lèvres d'un rouge/rosé plutôt discret puis, m'avance vers mon père et lui rends son sourire. Aujourd'hui je vais aller lui montrer le haras à la place d'Alexander puisque ce dernier est occupé à prendre des patients malades dans son bureau. Peut-être s'est-il réfugié dans le travail afin de mieux m'éviter ? Car lors du petit-déjeuner, il n'était pas là... Après tout, c'est de ma faute : j'ai fui au lieu de rester avec lui après notre baiser. J'ai eu peur, c'était la toute première fois que j'embrassais un homme à un autre endroit que sur la joue. Nous étions tous les deux responsables et conscients du potentiel danger. Hélas, j'ai très envie de recommencer encore et encore. Mais est-ce son cas... ?

Je mets une veste chaude qui recouvre mes épaules. Mon accoutrement est plutôt simple aujourd'hui : jupe haute noire et col roulé rouge en laine. Je rends hommage à ma mère, elle qui raffolait de cette couleur, rouge. Tout en prenant soin de laisser le médaillon apparent, je ferme mon manteau et fais signe à mon père que nous pouvons y aller. Lorsque nous descendons en bas, nous croisons le germanique en train de saluer une patiente en béquilles. Dès lors que ses prunelles croisent les miennes, mon cœur s'arrête de battre. Une folle envie de venir me blottir dans ses bras me broie l'estomac. Je me mordille la lèvre inférieure et détourne le regard, les joues en feu. Son aura puissante me pousse vers lui mais je ne peux pas m'en permettre : mon père est si tendu à mes côtés que nous ferions mieux de partir.

— Bonne balade, nous souhaite-t-il simplement.

Nous le remercions et sortons dehors tandis qu'il repart s'enfermer dans son bureau. Avec mon père, nous marchons jusqu'au centre afin de prendre l'air. Le froid est rapidement remplacé par la chaleur des rayons du soleil et l'herbe autour de nous, autrefois givrée, reprend vie. Pendant notre trajet, nous parlons de tout et de rien afin de passer le temps. Évidemment, lorsque j'évoque ma mère, il change directement de sujet en me posant des questions sur les chevaux qu'abrite le haras. Je ne lui cache ni agacement ni ma peine. Nous souffrons tous les deux mais avons différentes manières de surmonter la perte d'un être cher. Une fois arrivés sur place, je lui montre le box d'Ahorn et lui fais toucher son museau comme ce qu'a fait Alexander avec moi. Puis je lui raconte l'histoire de cet endroit et le vois hausser les sourcils. Peut-être ne s'attendait-il pas à ce genre de récit ? Je ressens son appréhension face à ce dernier. Il doit sûrement encore penser qu'Alexander n'est qu'un vulgaire Nazi dont la tête n'a pas encore été mise à prix...

Passion EnnemieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant