25. Promenade

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In my blood - Vitamin String Quartet
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24 mars 1946, dix heures et quinze minutes

Je regarde Magdalena, assise sur un jeune poney à la robe caramel du nom de Kaffee, et arbore un large sourire qui me fait mal à la mâchoire à force. Bien évidemment, sous le regard attentif d'Alexander. Les voir si joyeux me fait un bien fou. j'ai l'impression que la guerre n'a jamais existée, qu'en rentrant à la maison, je retrouverais ma mère... Néanmoins, le médaillon de cette dernière qui scintille autour de la nuque de la petite me ramène violemment à la réalité. Magdalena semble comblée, vraiment. Elle parle de nous comme si nous étions ses parents, chose que nous ne serons jamais. Mais l'orpheline a besoin d'une figure paternelle et maternelle, alors nous n'avons pas d'autres choix que de la laisser nous considérer comme tel. Car, je n'ai que vingt ans et Alexander vingt-trois. Bien que nous soyons assez vieux pour fonder une famille, je ne suis pas prête à être mère.

Alors qu'Alexander amène Magdalena dans le manège pour effectuer plusieurs petits tours au pas, je vais voir Ahorn et viens caresser son museau doux et sensible. Elle me salue en léchant mes doigts et en hennissant doucement. Tout en souriant, je rentre dans son boxe et tourne la tête vers l'équipement, posé au sol. Après avoir donné une carotte à la jument, je la prépare pour pouvoir la monter, après avoir ouvert la porte. Elle trépigne d'impatience, claquant joyeusement ses sabots sur le plancher jonché de paille fraîche. Une fois sur son dos, je tapote gentiment son encolure et lui donne deux petits coups de talons pour qu'elle avance en-dehors du boxe. Aujourd'hui, je me suis vêtue d'un pantalon noir simple et confortable. Je n'en porte pas souvent, car ce bout de tissu utile et chaud n'est réservé qu'aux hommes... Mais il est tant confortable que je ne peux pas résister à l'arborer quelques fois. Et puis..., personne ne me voit si ce n'est qu'Alexander et Magdalena.

J'arrive lentement vers ces derniers et attire leur attention. Alexander me sourit fièrement tandis que la petite a les yeux qui brillent tant elle semble joyeuse. Son rire résonne dans mes oreilles comme une mélodie dont l'air me donne envie de danser. Je ne souhaite jamais perdre de vue ce sourire radieux qui étire ses petites lèvres, ces yeux qui scintillent et ce rictus qui rend heureux n'importe qui. Le germanique glisse quelques mots à l'oreille de Magdalena et s'approche de moi d'un pas lent et enjoué, laissant la petite seule sans surveillance quelques secondes. À chaque fois qu'il expire, un nuage de fumée s'échappe d'entre ses lèvres. Il fait assez froid ce matin et mes doigts, enfermés dans des gants et crispés sur les rênes, gèlent rapidement. Une fois près de moi, Alexander vient caresser Ahorn et dépose un petit baiser sur son museau humide. L'intéressée hennit gaiement.

— Allons-nous nous promener ce matin ? demandé-je, curieuse.

Alexander lève les yeux vers moi et acquiesce, le sourire allant jusqu'aux oreilles.

— Évidemment ! Laissez-moi aller chercher mon cheval et nous irons tous les trois. Avancez jusqu'à Magdalena et surveillez-la le temps que je prépare Schnee.

— Très bien, allez-y.

Il s'empresse de partir tandis que je m'avance vers Magdalena qui me regarde arriver en sa direction, les lèvres incurvées en un sourire malicieux et enfantin. Kaffee secoue la tête et fait rire l'orpheline qui se met à tresser la crinière brune de ce dernier en attendant le retour d'Alexander.

— Comment te sens-tu ?

— Je suis contente ! me répond-elle de son fort accent germanique qui contribue à son charme.

Je la couve d'un regard protecteur et lui souris, attendrie. Cette enfant rend la vie meilleure, plus belle encore. Elle chasse les nuages de ses ailes déployées et illumine le ciel de son courage sans limites. Les larmes aux yeux, je n'ai qu'une seule envie : la serrer dans mes bras et ne plus jamais la lâcher. Au lieu de ça, nous nous amusons à nous faire des grimaces rigolotes et ces dernières nous font rire aux éclats. Ces moments-là me permettent de penser à autre chose, de m'évader un peu, seulement pendant quelques minutes. Infimes, mais précieuses. Dès lors qu'Alexander revient sur le dos de son bel étalon, Magdalena glousse et embrasse son âme enfantine qu'elle avait perdue au sein de cette guerre infâme. L'ancien soldat s'arrête à côté de nous et nous considère un instant, un air malicieux figeant ses traits.

Passion EnnemieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant