18. Dîner de réconciliation

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Ultraviolet - Freya Ridings
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15 mars 1946, vingt heures

Malgré les rumeurs qui courent, mon père a souhaité que nous passions un agréable dîner et a insisté pour que je vienne. Il fait des efforts, je le vois. Mais son expression fermée, ses yeux fuyants, sa mâchoire serrée et ses lèvres pincées indiquent sa réticence face à la situation. Surtout que les fausses accusations qui pèsent sur nos épaules ne rajoutent que des problèmes en plus. Tendue, je m'assois en face de mon paternel, Alexander à mes côtés. Les employés ne tardent pas à nous rejoindre et apportent une certaine joie qui nous fait tous un grand bien.

Nous rions, buvons, mangeons et discutons de tout et de rien. Et au bout d'une quinzaine de minutes, je pose mon regard sur mon père et remarque que ses lèvres s'étirent en un minuscule sourire. Une étincelle d'amusement traverse son regard, autrefois impénétrable.  Alexander serre doucement ma main sous la table et ce geste suffit à apaiser les battements affolés de mon cœur. Je réussis même à avaler le plat principal sans picorer.

Lorsque nous passons au dessert, mon père se lève et attrape la coupe de champagne français qu'il brandit en l'air. Nous ne tardons pas à tous l'imiter, curieux de savoir ce qu'il va nous déclarer. Je le dévisage un instant : il porte fièrement son uniforme qui lui donne cet air sérieux et solennel. Ses prunelles croisent les miennes et durant une seconde, je crois retrouver le cher père que j'ai toujours eu, avant la guerre.

— Je souhaiterais porter un toast à ma merveilleuse fille, Gabriele. Sans elle, j'aurais perdu pieds depuis longtemps. Alors à Gabriele Wilson !

C'est simple et pourtant si adorable. Surprise, je cligne plusieurs fois des yeux et sens mes joues chauffer tant ce moment est particulier. Nous levons tous notre flûte à mon attention et buvons quelques gouttes de bulles alcoolisées. Étant donné que je ne tiens pas l'alcool, je m'arrête à seulement la moitié de mon verre. Je regarde mon père, les yeux au bord des larmes et lui adresse un petit sourire qui se veut reconnaissant. Il veut se pardonner, il souhaite recommencer à zéro. Nous savons tous les deux que ma mère l'aurait souhaité. En pensant à elle, j'effleure le médaillon du bout des doigts. Ça me touche beaucoup et j'apprécie que mon père se démène pour moi. Alexander se penche vers mon oreille.

— Vous êtes magnifique lorsque vous souriez, me glisse-t-il en embrassant ma joue par la suite.

Un frisson me parcourt toute entière et mon cœur s'emballe. Nous échangeons un petit regard et, dans ses iris, j'y aperçoit de la sincérité, de l'amour et de la fierté.

— Merci, rétorqué-je en rougissant.

Une fois le repas terminé, les domestiques débarrassent et Alexander me propose une balade à cheval nocturne. J'accepte volontiers, ça me fera du bien de respirer l'air frais. Mais avant que nous partions, mon père m'attrape le poignet avec douceur. Le germanique nous laisse seul à seule, comprenant que ça ne le concerne pas. Nous allons dans un des salons et nous nous asseyons au coin du feu, en silence. Seuls les crépitements des flammes résonnent. Je contemple l'homme assis à côté de moi, celui que j'admirais étant petite, et déglutis. Il se racle la gorge.

— J'ai voulu porter un toast pour toi, sweetie, parce que je me rends compte à quel point tu es géniale. Ta mère serait si contente de ce que tu es devenue. Cette guerre nous a tous changé. Mais toi... Elle t'a rendue plus forte, plus courageuse et déterminée.

Une vive douleur me comprime la poitrine.

— Je voudrais que tu me pardonnes, ma fille. Ce dîner de réconciliation était pour toi. J'ai fait tant d'effort ce soir. Je n'ai presque pas bu pour te faire plaisir !

Passion EnnemieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant