17. Fausses accusations

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To build a home - The Cinematic Orchestra
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15 mars 1946, quatorze heures

Trois jours sont passés depuis la discussion que j'ai eu avec mon père concernant ma relation passionnelle et intime avec Alexander. Trois aubes et trois crépuscules durant lesquels nous nous sommes entrevus pour échanger mille et une caresse. Des centaines de baisers des plus tendres et fiévreux. Maintenant que notre passion interdite a été découverte par mon paternel, nous nous ne cachons plus devant lui. Cependant nous restons respectueux et ne faisons que nous tenir la main en public.

La plupart des employés nous lancent de petits regards curieux et des sourires amusés. Ça me rassure de savoir que je ne suis pas mal vue ici. Mais on raconte que des rumeurs à mon sujet circulent en ville disant que je ne suis là que pour séduire le médecin et lui briser le cœur pour ensuite repartir dans mon pays vainqueur. Ce dernier n'a pas réagi aux fausses accusations, moi non plus.

Ces rumeurs infondées provoquent l'émoi parmi la population Hambourgeoise et beaucoup d'habitants nous veulent, mon père et moi, partis avant la fin du mois. La peur au ventre, je me tais depuis et garde ma frustration pour moi et moi seule. Aujourd'hui je n'ai ni pris le petit-déjeuner, ni pris le déjeuner. Mon estomac, vide et retourné par la crainte, rejette toute nourriture qui ose s'y aventurer depuis un jour et demi. Je tremble, le corps faible et affamé. Je refuse toute aide, même celle de mon père. Je me morfonds et me demande ce que ma mère et Anne diraient si elles étaient avec moi.

Assise devant une des fenêtres de ma chambre, je contemple les rayons du soleil cachés par une légère brume blanchâtre à travers les carreaux. Je souris en voyant un couple de rouge-gorge se poser sur une petite branche devant mes yeux et chantonner joyeusement. Puis ils s'envolent, battent de l'aile et migrent vers un autre endroit davantage confortable. Un long et désespéré soupir s'échappe d'entre mes lèvres alors que je pose mon menton au creux de ma paume. Alors que je pensais être seule, la porte de ma chambre s'ouvre et se referme doucement. Je ne me retourne pas et ferme les yeux.

Ce fort parfum masculin qui enivre mes narines me fait frémir de la tête aux pieds. Un souffle chaud s'abat dans ma nuque, des doigts tièdes viennent écarter mes cheveux et effleurer la peau de mon cou. Je renverse la tête en arrière et celle-ci se heurte à une surface dure et pointue, son bassin. Je peux sentir la puissance et l'intensité de son regard bleu/gris glisser sur moi. Je me retourne lentement et sens ses mains glisser sur mon visage, sur mes joues. Alexander.

— Ouvrez les yeux, Gabriele.

Sa voix à la fois douce, rauque et autoritaire me fait vibrer. Je me lève, toujours les paupières closes et viens poser mon front contre le sien. Nos nez se frôlent, nos lèvres entrouvertes se touchent sans pour autant se goûter. Nos souffles réguliers et lents résonnent dans ce silence apaisant qui nous entoure. Je pose mes mains contre son torse et sens, sous mes doigts, la surface rugueuse de ce dernier dissimulée sous une couche de vêtements que je rêve d'arracher.

— Ouvrez-les.

Je m'exécute et relève le menton. Mes iris croisent les siens et le souffle me manque. Mon cœur se met à battre de façon irrégulière et furieuse. Une de ses mains effleure ma pommette et ses doigts finissent leur course sur mes lèvres. Son regard agité se teinte d'incertitude tandis que de son autre main, il encercle la taille et m'attire à lui. Nos deux corps sont pressés l'un contre l'autre et le sentiment de sécurité que je ressens lorsque son bras musclé m'entoure, me fait légèrement sourire en plus de me faire frissonner.

— Je m'inquiète pour vous, ma douce. Je sais que ces rumeurs vous blessent. Mais ce ne sont que des paroles en l'air. Nous y ferons face ensemble.

Passion EnnemieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant