Frozen pines - Lord Huron
***11 mars 1946, dix heures et demi
Deux jours se sont écoulés depuis ma querelle avec mon père et ma longue, néanmoins courte, embrassade avec Alexander. Et aujourd'hui, mon père ne rentre pas ce midi. Il me l'a annoncé ce matin lors du petit-déjeuner. Je sais que tout ce que je lui ai dit le tourmente intérieurement et qu'il cherche un moyen de recoller les morceaux. Je le connais, mon père est fort et il m'aime. Il reviendra et me dira que j'avais raison, que ma mère n'aimait pas les tensions. Il finira en me disant qu'elle serait fière de moi et nous nous enlacerons durant de longues minutes.
Et puis pendant ces deux jours, j'ai passé beaucoup de temps en compagnie du germanique. Nous sommes allés auprès de l'étang et avons pris un pique-nique là-bas. Puis nous sommes partis en balade équestre dans la forêt où nous avons beaucoup discuté de nous en compagnie de la nature sauvage et magnifique. Nous en sommes venus à la conclusion que si mon père décidait de repartir, je resterai ici et vivrai avec Alexander. Nous vivons ainsi dans la crainte de devoir nous séparer un jour. Ou encore de voir notre relation être percée à jour.
Tout en y pensant, je m'approche de ma coiffeuse et saisis la rose qu'Alexander avait fait couper rien que pour moi. Quelques pétales rouges commencent à faner mais la fleur résiste malgré tout. Comme moi. En faisant bouger la tige entre mes doigts, je contemple les épines aiguisées d'un regard attentif. Ces fleurs m'ont toujours fascinée. Je la remets dans le vase et soupire bruyamment. Lorsque j'étais petite, mes parents m'avaient offert une petite boîte à musique en forme de rose. Dès lors que je l'ouvrais, la douce mélodie de « La Lettre À Élise » de Beethoven résonnait tandis qu'une ballerine tournoyait sur elle-même, ses gracieux bras au-dessus de sa tête. J'avais pour habitude de la laisser ouverte et de m'endormir sur la musique jusqu'à ce que ma mère vienne la fermer et embrasser mon front. Je sais qu'elle le faisait. Je le sentais. Hélas, cette boîte a disparu sous les décombres de la maison à Londres et je donnerais tout pour la retrouver...
On toque deux fois à la porte de ma chambre, je fais volte-face et demande à ce qu'on entre. C'est sans surprise que je découvre le minois de mon bel allemand. Il me sourit et s'approche de moi après avoir refermé la porte derrière lui. Lorsque ses larges mains viennent se caler contre mes joues, je ferme les yeux et laisse la chaleur de ses paumes m'atteindre rapidement. Son souffle tiède effleure mon visage, son parfum embaume mes narines et sa présence me rend heureuse. Je viens poser mon front contre son torse et entoure sa taille de mes bras. Alexander ne dit rien et se contente simplement de m'étreindre.
— La rose est toujours là, remarque-t-il.
Je souris.
— Eh oui, toujours.
— Comme vous.
Je m'éloigne de quelques centimètres et plante mon regard incrédule dans le sien, confiant.
— Oui, comme moi. Dites-moi, comment aviez-vous su que j'aimais les roses ? lui demandé-je, curieuse.
Alexander réfléchit un instant puis rétorque avec assurance :
— Lorsque vous vous êtes perdue dans les couloirs après votre douche. Votre peau si délicate et si belle sentait la rose. J'en ai déduit que vous aimiez ce parfum et cette fleur. Alors je vous en ai offert une.
Oh.
— Vous savez, lorsque j'étais petite j'avais une petite boîte à musique en forme rose. Mes parents me l'avaient offerte pour mon huitième anniversaire. Je l'adorais, la mélodie qui s'en échappait m'aidait à dormir.
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Passion Ennemie
Historical FictionMars 1946, Hambourg, Nord de l'Allemagne. Alors que la Deuxième Guerre Mondiale a pris fin et que la ville portuaire renaît progressivement de ses cendres, Gabriele, une jeune Britannique de 20 ans, rejoint son père qui est chargé de la restauration...