Dans la voiture, Thomas me demande l'adresse de ma maison pour suivre l'itinéraire GPS. Il faut un peu plus de deux heures pour rallier le campus à la maison de mes parents. A peine la voiture démarrée que j'essaie d'appeler mon frère, mais il ne décroche pas. J'insiste longtemps mais à chaque fin de tonalité, une voix robotique m'indique de laisser un message après le bip sonore. Le trajet se fait silencieusement. Personne n'ose parler ou encore débattre sur ce qu'il venait de se passer. Même l'autoradio n'est pas allumé. Thomas conduit prudemment jusqu'à ce que nous franchissions les barrières de péage. Clara est à l'avant et regarde le paysage défile. Parfois, je la vois se crisper quand le conducteur mord sur les bandes d'arrêt d'urgence. A l'arrière, je fixe l'écran de mon téléphone pendant de longues minutes avant de jeter des coups d'œil par la fenêtre. De temps en temps j'allume mon téléphone pour voir si je n'ai pas loupé une notification m'annonçant un appel entrant. Mais rien. J'essaie tant bien que mal de me détendre en fermant les yeux mais dès que mes paupières sont closes, je revois Gabriel, dans sa chambre. Je sens de nouveau ses mains sur mon corps, pressant la blessure entre mes seins.
Clara nous annonce le temps qu'il nous reste avant d'arriver à destination. Une heure. C'est trop long. Beaucoup trop long. Le Grand Prêtre de mon Coven a sûrement déjà rejoint l'Eglise et est en train de bouger son prochain pion sur l'échiquier. Je regarde le compteur de vitesse et je vois les chiffres bloqués sur une vitesse qui n'est absolument pas autorisée et qui est bien au-dessus de la limitation. Je croise les doigts pour que l'on ne croise pas les forces de l'ordre car sinon il peut dire adieux à son permis. Dire que Clara s'est moquée de sa voiture, car pour reprendre ses propos, « ce genre de modèle est adressé à une clientèle plutôt féminine ». Certes c'est une petite voiture, et on est loin d'une puissante berline ou d'une petite voiture de sport, mais tant qu'elle m'emmène sans anicroche chez moi pour rejoindre mon frère, je ne pourrais que remercier le constructeur automobile.
J'appelle à nouveau à a maison. C'est le dix-septième appel. Et c'est aussi la dix-septième fois que l'on me demande de laisser un message. Je réessaie tout de suite après si par un malheur inattendu, Alexandre n'a pas eu le temps de décrocher. Cette fois, je tombe tout de suite sur le répondeur. Aucune tonalité ne m'a fait patienter. Je coupe alors, un peu hébétée.
- Je tombe directement sur le répondeur, je dis d'une petite voix.
J'entends Thomas grogner alors que Clara se tourne vers moi. Je fixe l'écran noir qui reflète mon visage. J'entends vaguement l'étudiante en médecine dire au pilote d'accélérer. Les paysages défilent à une vitesse que je pensais improbable en voiture. Des kilomètres de bitume sont avalés par la voiture. Je prie intérieurement pour ne pas avoir d'accident car lancée à cette vitesse, pas sûr que nous survivions à un dérapage ou une sortie de route. Je me cramponne au siège et à la poignée de la porte. Mon cœur tambourine douloureusement dans ma poitrine qui se compresse quand j'entends Clara dire que nous devons prendre la prochaine sortie. Je sens la voiture serrer à droite pour suivre le chemin indiqué par Clara et le GPS.
Un coup de frein brutal me projette en avant, bloquant ma ceinture et me faisant sortir tout l'air de mes poumons. Je tousse tout en essayant de prendre de grandes inspirations. Thomas s'excuse, quand il nous dit qu'il a été surpris par le péage devant nous. Clara, quant à elle, l'insulte de tous les noms d'oiseaux qu'elle peut connaitre, et je sais qu'elle en connait un paquet. Une fois l'autoroute payée, l'étudiant repart sur les chapeaux de roues et fait ronfler le moteur. Pourtant, sa course folle est rapidement ralentie par les lacets que fait la route pour aller chez moi. Le soleil commence à se coucher devant nous, brulant nos rétines. Cette boule de feu hivernale semble improbable parmi les arbres toujours recouverts du givre matinal. Ici, la nature est plus sauvage et moins domptée par l'Homme. De grands pins bordent les routes et les forêts n'en finissent plus. Un paysage typique de la montagne s'offre à nous. Des falaises vertigineuses m'attirent. La roche grise calcaire semble étinceler grâce aux premiers rayons crépusculaires. Le soleil prend toute la place, laissant derrière lui un ciel rouge apocalyptique. Nous traversons de petits villages fait de pierres brutes. Nous longeons des forêts aux arbres fantomatiques ou encore des champs aux cultures gelées. Etrangement, nous sommes seuls sur la route, aucune forme de vie, humaine ou animale ne s'est montré.
VOUS LISEZ
Witch's soul
ParanormalPour certaines personnes il ne suffit pas de tourner la page et recommencer à zéro, il faut parfois savoir déchirer la page ou brûler le livre complet pour mériter un nouveau départ. Aglaé a complètement brûlé sa bibliothèque pour réécrire son histo...