Le mode pilotage automatique est enclenché. Je suis vide, mon cerveau est vide, mon corps est une coquille vide. Mais mes jambes marchent quant même toutes seules vers le chemin de la fraternité. La révélation de Coleen m'a secouée. Je savais déjà que le Grand Prêtre me surveillait, et c'est pour cela que j'ai retrouvé mon appartement complètement retourné et que j'ai caché, à l'aide de draps, tous les miroirs de chez mon appartement. Mais là, je ne m'attendais absolument pas à des mesures aussi importantes. J'ai cru qu'il allait me laisser tranquille, un jour, peut-être. Mais apparemment, c'est trop espérer. Je ne sais même pas ce qu'il me veut, ni ce qu'il recherche. Je ne connais pas ses intentions envers moi.
J'ai du marcher assez vite, car la maison de la fraternité Alpha Beta Omega se dresse actuellement devant moi. Le bois sombre est le même qu'il y a une semaine. J'ai l'impression d'avoir passé plus de temps ici que chez moi dernièrement. Mes phalanges repliées cognent contre le montant en bois de la porte. Plusieurs petits coups résonnent dans la demeure. J'entends des pas lourds descendre l'escalier avant que la porte ne s'ouvre en grand, laissant entrer le froid et sortir la chaleur. Alban s'écarte pour me laisser entrer. En homme galant, il prend mon sac pour le déposer à côté du porte-manteau et me demande d'enlever mon écharpe et ma veste pour me mettre à l'aise. Il m'invite à entrer dans la cuisine, qui cette fois est débarrassée d'étudiant et de carcasse vide de bouteilles. Je m'installe sur une chaise haute du bar pendant que mon ami, s'affère autour de la cafetière. Je ne dis rien, et lui non plus. Seul le ronronnement de la machine emplit l'espace. L'odeur de café m'arrive au nez. Une fois la mixture prête, il verse le contenu dans des tasses avant d'en poser une devant moi.
-Tu es tout seul ?
-Non, Adrian est dans sa chambre. Axel et Gabriel sont sur la terrasse, derrière, à expérimenter je ne sais quoi pour un cours de Gabriel. Et pour ce qui est des autres, ils sont en cours.
Je hoche la tête doucement, tout en plongeant mon regard dans le breuvage noir. Je bois très peu de café, mais quand j'en bois, je préfère avoir le goût amer en bouche plutôt que de faire une overdose de sucre. Je ne l'interroge pas plus. J'attends, un peu gênée. Alban semble nerveux lui. Il triture l'anse de sa tasse. Je sais qu'il me regarde car je sens son regard sur moi et plus précisément sur mon poignet où un léger picotement se fait ressentir. Nous attendons, comme ça, pendant quelques minutes je pense. J'entends marcher à l'étage, sûrement Adrian, mais sinon, la fraternité est drôlement silencieuse par rapport aux autres fois où je suis venue.
-Je suis désolée pour ce matin, commence le blond.
Je lève alors les yeux vers lui, impatiente de connaitre la suite et de comprendre son comportement. Mais rien ne vient. Il se tait d'un coup. Je pense que je ne vais pas connaitre les raisons de son comportement et que je vais devoir me contenter d'un « je suis désolé ». Il boit bruyamment une gorgée de café. Comme s'il avalait que de l'air. Puis en reposant sa tasse, je vois bien qu'il essaie de dire autre chose mais il porte à nouveau la tasse à ses lèvres. Puis soudainement, il recrache le breuvage, à moitié dans sa tasse et à moitié sur la faïence du bar où nous sommes accoudés. Un petit cri de douleur s'échappe de sa bouche.
-Je me suis brûlé, me dit-il piteusement.
Je me lève rapidement et me dirige vers l'énorme frigidaire américain. Dans la porte, je trouve mon bonheur. Je prends le bidon et cherche une autre tasse dans le placard où Alban avait pris les autres. Je verse généreusement le breuvage blanc et tend la tasse à mon ami.
-Bois, ça va te soulager et ça va créer une couche de protection autour de ta langue quelques temps.
Il me remercie d'un hochement de tête et bois le lait à grande gorgée. Alors, qu'il essaie de se soulager de sa brûlure, j'attrape l'éponge qui repose dans l'évier pour essuyer le café qui tache le plan de travail du bar. Les carreaux en imitation marbre sont presque entièrement nettoyés quand j'entends une porte claquée. Alban essaie de me prendre l'éponge des mains pour finir de nettoyer les dégâts mais je refuse, prétextant avoir bientôt terminé. L'éponge est imbibée de café. Je l'essore dans l'évier et la rince tandis qu'Alban range le lait.
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Witch's soul
ParanormalPour certaines personnes il ne suffit pas de tourner la page et recommencer à zéro, il faut parfois savoir déchirer la page ou brûler le livre complet pour mériter un nouveau départ. Aglaé a complètement brûlé sa bibliothèque pour réécrire son histo...