Chapitre 3

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De retour chez moi, j'étends mon manteau gorgé d'eau de pluie dans ma salle de bain pour le faire sécher. J'avais posé mes emprunts sur la desserte à l'entrée de mon appartement avec mon sac de cours. J'entre dans la pièce principale pour monter un peu le chauffage. Une lumière bleutée envahit mon environnement. Devant moi, une femme blonde d'un âge inqualifiable est assise sur mon canapé. Elle a les jambes croisées, le dos droit, ses doigts tapent la mesure sur son genou. Elle semble nerveuse. Ses cheveux blonds sont rassemblés dans un chignon serré, où aucune mèche ne dépasse. Quand elle me voit, elle se lève par politesse.

-Maman ? Mais qu'est ce que tu fais là ?

-Je ne suis pas vraiment là, chérie. C'est une projection.

-Qu'est ce que tu veux ?

-Comment vas-tu ?

Elle contourne ma question par une autre. Cela a toujours été comme ça avec elle. Elle préférait évaluer son interlocuteur avant de lui lancer une bombe en pleine figure. La voir en face de moi par projection et non physiquement me fait prendre compte de l'ampleur de mon bannissement. Aucun contact physique avec les membres de mon coven. Je pense à Alex, mon petit frère. Il est trop jeune pour comprendre ce qu'il se passe. Ce n'est qu'un enfant.

Je ne réponds pas à ma mère. A la place, je vais chercher les manuscrits et le grimoire posés dans l'entrée pour les ranger avec mes manuels de cours dans la petite bibliothèque. Curieuse ma mère s'approche de moi. Je la vois reculer quand elle lit les titres sur la tranche des couvertures de cuir.

-Tu n's pas obligé de faire tout ça. Le Grand Prêtre est prêt à aller contre ton bannissement.

-Et comment ? Car je ne vois aucun moyen !

-Aglaé, s'il te plait.

-Non, maman, je ne plierais pas aux petits besoins d'un fanatique satanique ! Nous vivons au vingt-et-unième siècle, alors ces méthodes moyenâgeuses datant de Salem sont révolus ! Il faut vivre avec son temps ! Une femme ne doit plus vivre sous le joug d'un homme par crainte.

-Ecoute au moins ce que j'ai à te dire.

-Vas-y, transmet-moi sa parole sacrée.

-Il nous a dit qu'il avait peut être été un peu trop radical, et que si tu voulais revenir tu pouvais à une condition.

-Rien n'est gratuit avec lui. Que dois-je faire ? Préparer le Festin de l'équinoxe d'été ? Me battre contre les Gargouilles de l'Eglise ? Ou mieux encore, sacrifier un veau blanc ?

-Rien de tout ça, il veut un acte personnel de ta part. Tu dois sacrifier ton familier au nom de Lucifer et Lilith.

Le monde s'abat sur moi. L'épée de Damoclès tombe lourdement. Ce qu'il me propose est pire que ce que je ne m'étais imaginé quelques secondes plus tôt. Le Festin de l'équinoxe est préparé par un élu pêcheur durant l'année écoulée. L'Elu devait choisir un chérubin, un nouveau-né, et le cuisiner pour ses congénères afin d'expier ses fautes et se faire pardonner. Le combat contre les Gargouilles est en fait, un enfermement obligatoire dans une pièce où la magie est inhibée et l'on doit affronter nos pires peurs. Enfin le sacrifice du veau blanc est un rite de passage pour faire pleinement parti d'un coven et être accepté comme tel. Mais là, tuer son familier est pire. Le bannissement amène la sorcière vers une mort lente et douloureuse. La mort de son protecteur la prive de ses pouvoirs et de la protection qu'il lui confère. Dans tous les cas, je meurs à la fin.

-JAMAIS !

-Réfléchis, Aglaé, s'il te plait. Après le coven pourra te protéger.

-Mais bien sûr ! Le Grand Prêtre est un sorcier rancunier, il fera de ma vie un enfer si je réintègre le coven.

Witch's soulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant