Les Grillons

VII

              En rentrant chez elle, elle fit le ménage des pièces que ces amis avaient occupé pendant leur séjour. Elle reçut un message de Thomas, le problème était réglé et il serait rentré le lendemain. Elle termina rapidement le ménage, rangea vite fait la maison et parti faire des courses. Elle prépara plusieurs menus pour la semaine avenir, s'essaya à la patte feuilleté maison mais sans grand succès et fini par se rabattre sur sa spécialité, la tarte au citron meringuée. Le lendemain dans la voiture en allant chercher son mari à l'aéroport, elle se prépara psychologiquement à jouer les retrouvailles qu'un jeune couple normal aurait. Elle fit une liste rapide des questions qu'elle allait poser à son mari en s'inspirant des nombreux livres qu'elle avait eu l'occasion de lire. Elle bénit mille fois ses cours de théâtre de lui avoir donné des capacités de jeu non négligeables. Ses retrouvailles avec son mari furent crédibles, du moins elle l'espérait. Dans la voiture, elle posa quelques questions qui furent très vite écourtées par le sommeil de Thomas épuisé par son voyage. Une fois chez eux, elle lui fit faire le tour de la maison et du jardin pour lui montrer ce qu'elle avait fait pendant son absence. Le salon était terminé et elle avait même installé des cadres avec des photos du mariage sur la commode en face de la fenêtre. Thomas était ravi et admiratif du travail de sa femme et l'obligea à prendre une pause pour profiter de ses vacances. Le mois d'aout passa rapidement rythmé par les visites des familles et des amis trop heureux de voir un si beau couple.
Le mois de septembre fini par arriver et Anna du reprendre les cours au lycée. Elle était professeure en Première et Terminale. Elle donnait aussi des cours de soutien aux élèves en difficulté quelle que soit leur classe. Elle eut du mal à se présenter comme madame Laverdière auprès de ses collègues et élèves, ce nom de femme mariée résonnait comme une insulte dans sa tête. Elle avait beaucoup de mal à accepter que le monde la définisse comme '' la femme de'', mais elle prenait son mal en patience se disant que des millions de femmes étaient passées par là avant elle et qu'elles avaient fini par s'habituer. La préparation des cours et la correction des copies lui prenait beaucoup de temps, de plus elle continuait à préparer l'agrégation ce qui était une excuse parfaite pour éviter le sujet ''bébé'' avec Thomas. La simple idée d'avoir un enfant la dégoutait. Elle savait que tout son entourage guettait le moindre malaise, le moindre kilo en trop et ce regard lui pesait beaucoup. Le lycée était comme un havre de paix ou elle pouvait être tranquille, débarrassée de ces regards voyeurs rivés sur son ventre en permanence. Les semaines continuèrent de passer et Thomas devenait de plus en plus pressant concernant les enfants. Il avait toujours rêvé d'en avoir. Son idéal était d'en avoir 4. Il essayait tant bien que mal de convaincre sa femme que c'était une bénédiction pour un couple, une consécration, un accomplissement aussi bien pour la femme que pour l'homme. Anna ne savait pas quoi faire. Elle ne pouvait pas repousser son mari indéfiniment et refusait de prendre une contraception artificielle qui détruirait sa santé physique et psychique. Elle comptait sur la nature pour lui éviter ce ''désagrément''. Un soir Thomas lui dit qu'il avait pris un rendez-vous chez un médecin spécialiste de la procréation naturelle pour le samedi suivant. Une fois de plus elle bénit sa professeure de théâtre de lui avoir inculqué les bases de la comédie et remercia, sourire aux lèvres, son mari de s'impliquer autant dans un domaine, d'habitude si étranger à la gente masculine.