XXI

227 11 1
                                    

                 Les semaines passèrent doucement, Joséphine grandissait en âge et en sagesse, faisait le bonheur et la fierté de son père et était la plus jeune étudiante en littérature de France. Anna qui détestait ne rien faire de ses journées faisait des cours de littérature à sa fille en lui montrant avec passion quelle fièvre créatrice prenait les plus grands auteurs. Anna prenait son congé comme un temps pour réfléchir. L'arrivée de Joséphine avait développé chez elle des sentiments nouveaux. L'amour maternel lui faisait peur, elle se sentait capable de tuer froidement toute personne qui oserait faire le moindre mal à sa fille. Cette force animale qu'elle ressentait lui donnait l'impression d'avoir perdu le contrôle de sa vie et son humanité. Perdre son humanité, devenir un animal, ces choses étaient dans son esprit depuis sa première année d'étude ou elle s'était réellement rendu compte de son absence de sentiment pour quel que garçon que ce soit. Cette constatation douloureuse lui avait donné l'impression de perdre son humanité car elle ne correspondait pas au standard que son milieu familial considérait comme principe intrinsèque d'humanité. C'était en partie pour cela qu'elle avait refoulé ses sentiments profonds. Cette impression de perte d'humanité venait du fait qu'elle considérait l'humanité comme le contrôle. Pour elle, contrôler ses sentiments, ses réactions était le signe majeur d'humanité. Les animaux ne contrôlent pas leurs émotions et leur ressentit. Anna avait toujours cherché à se maitriser pour atteindre le summum de son humanité, cet idéal motivait tous ces actes mais elle ne s'en rendait pas compte. Alors sentir cette force protectrice incontrôlable était pour elle le signe de son animalisation. Comme d'habitude, elle ne disait rien de toutes les pensées qui la traversaient, la peur du jugement sans doute.
Anna s'était rapprochée de son mari. Il était le père de sa fille et ils avaient maintenant un but en commun, l'éducation et le bonheur de Joséphine. Elle ne le considérait plus comme son meilleur ami qu'elle avait épousé mais comme un homme merveilleux, père de son enfant et protecteur de sa famille. Les premières semaines de Joséphine furent, malgré la fatigue, un régal pour Anna. Thomas, trop fatigué pour faire quoi que ce soit en plus de son travail et son rôle de père, s'endormait avant même d'avoir ramené la deuxième jambe dans le lit. Anna était donc tranquille de ce côté-là, et quand par hasard il restait un peu d'énergie à Thomas, elle disait ne pas avoir terminé sa rééducation ou être trop fatiguée. De ce fait le couple n'eut pas d'activité pendant plusieurs semaines, pour la grande satisfaction d'Anna.

Le mois de décembre arriva vite etJoséphine fêta son premier Noël dans sa famille paternelle. Elle fut couverte de cadeaux de toute sorte qu'Anna voyait d'un très mauvais œil, pourquoi les oncles et tantes offrent-ils toujours des jouets bruyants ?
Elle recommença à travailler à mi-temps à la rentrée de janvier 2019 dans un lycée privé sous contrat ou elle donnait cours 3 jours par semaine. Elle était contente de retrouver une activité professionnelle et de pouvoir parler à d'autres personnes que son bébé. Elle se plaisait à raconter avec passion les secrets de la littérature à des auditeurs légèrement plus réceptifs que Joséphine. Ce nouveau travail lui faisait du bien ainsi qu'à Thomas qui n'était pas obligé d'écouter sa femme, qui n'avait pas parler à un adulte de la journée, pendant deux heures.
Le temps passa doucement, avoir un bébé à la maison est toujours fatigant et Anna profitait de la proximité géographique de sa belle-mère pour faire garder Joséphine les jours ou elle travaillait, ce qui lui permettait de se reposer un peu. Une routine s'installa et la petite famille avait ses petites habitudes comme par exemple le soir au moment de coucher la petite princesse, Anna lui lisait des vers pendant que Thomas massait le dos, ou le ventre de la petite fille qui s'endormait au son des alexandrins. La routine plaisait à Anna qui s'y abandonnait et se laisser porter. La routine étant installée et la fatigue moindre que dans les débuts, Anna du recommencer les moments intimes avec son mari. Ça ne lui avait pas manqué, mais elle faisait bonne figure.

Les GrillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant