XVIII

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Quand elle se réveilla elle eut la surprise de voir Roxanne et Céline qui prenaient une bière avec Thomas devant la maison. Elle alla vers elles, étonnée de les voir si tôt, en effet elles ne devaient arriver que le surlendemain après avoir passé quelques jours toutes les deux chez Roxanne. Ce fut Roxanne qui donna l'explication. Marie-Mathilde, la sœur d'Anne-Adèle, l'avait appelée en lui disant de tout de suite aller voir Anna pour ''la remettre sur le droit chemin prévu par Dieu'' sa mère avait fait un malaise à cause d'elle, ''trop choquée d'apprendre la décadence morale de sa fille''. Anna tiqua, sa décadence ? Céline qui avait beaucoup de mal à dissimuler son fou-rire, laissa éclater son rire joyeux et cristallin. Une fois calmée, elle raconta, non sans humour, l'attitude de Roxanne pendant l'appel avec Marie-Mathilde. Pendant que la sœur d'Anna s'indignait au téléphone et décrivait à Roxanne, avec moultes détails et exagérations, la décadence morale de sa sœur, le départ précipité et irréfléchis de celle-ci, le malaise inquiétant de sa mère et lui demandait de raisonner Anna, de les aider à ''la ramener dans la maison de Dieu qui ne voulait pas que le secret des bébés soit dévoilé avant leur naissance. '' Roxanne avait écouté avec le plus de sérieux possible ce long monologue hystérique et cachait de son mieux un fou-rire difficilement contrôlable. Anna qui avait écouté toute cette histoire avec beaucoup de calme et de sérieux, dit très calmement, « Je savais qu'ils étaient naturellement un peu cons mais je ne savais pas qu'ils avaient pris des cours du soir en plus. A ce stade là il faut absolument que je les envoie à un concours de connerie je gagnerais le gros lot ! ». A ces mots les quatre jeunes gens éclatèrent de rire et ne s'arrêtèrent qu'au bout d'un bon moment. Roxanne et Céline restèrent chez le jeune couple.

Anna avait des sensations étranges, la présence de ses amies lui faisait du bien et lui permettait de ne pas être en tête avec son mari 24h sur 24h, mais dans le même temps elle attendait presque avec impatience leur départ. Elle avait peur, ce qu'elle aurait dû ressentir pour Thomas et qui été remplacé par une indifférence la plus totale, était, chez elle, transposé sur un certain type de femmes. Toujours le même type, intelligente, fine, créative, un peu casse-cou, un peu Tom-Boy sur les bords, et drôle, de taille et de corpulence normale, une petite poitrine, des cheveux bruns bouclés ou ondulés. Aussi si loin qu'elle pût se souvenir, elle avait toujours été fascinée par ce genre de fille. Enfant, quand ses amies parlaient des stars qu'elles admiraient, elles disaient vouloir ''être'' ces stars. De son côté Anna ne voulait pas être ces stars, elle voulait être avec elles, tout le temps, dans leur intimité. Au fur et à mesure qu'elle grandissait Anna s'interrogeait sur cette envie pressante et presque obsessionnelle d'être avec une fille. Mais avec l'arrivée en pension pour le lycée, et l'influence de sa famille elle avait arrêté de se poser ces questions et s'était auto persuadée qu'elle épouserait un homme gentil dont elle serait follement amoureuse et aurait des enfants avec lui. Ces questions étaient revenues lors de sa première année d'étude quand un jour elle ressenti un trou béant dans sa poitrine, une fille qu'elle avait connu en pension lui manquait terriblement. Elle n'avait pas prêté attention à ce manque mais, au bout de quelques mois il s'était intensifié et lui tordait le cœur. Elle pouvait passer des heures entières à regarder les photos qu'elle avait de cette fille, elle attendait chacun de ses appels avec impatience et restait immobile, souriant béatement à chaque conversation téléphonique. Elle avait finalement diagnostiqué ce mal étrange, elle était amoureuse. Ce mot qui lui semblait si doux auparavant, lui parût dès cet instant comme dangereux. Elle commença alors à fuir ce sentiment en retirant toutes les photos de la fille en question des murs de sa chambre d'étudiante et en espaçant leurs conversations téléphoniques. Puis, elle avait rencontré Thomas qui n'avait un an de plus qu'elle et qui devint rapidement son meilleur ami. Leur amitié avait duré le temps de leurs études respectives. Un jour il brisa sans le savoir cette amitié en avouant à Anna ses sentiments réels à son égard. Elle était tombée de haut, elle ne s'était jamais doutée de rien. De fil en aiguille Anna se vit demander en mariage et rapidement se retrouva avec une bague au doigt rejointe un an plus tard par une alliance. Et maintenant ils étaient mariés depuis plus d'un an et attendaient un enfant.

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