Anna se réveilla le lendemain matin aux côtés de Céline. Elle soupira de bien-être, pour la première fois de sa vie elle se sentait femme. Elle aurait voulu rester dans ce lit toute la journée mais son petit ange tortionnaire la réclamait pour avoir son biberon du matin. Elle se leva, ramassa ses vêtements éparpillés sur le sol et s'habilla.
Dans la cuisine pendant qu'elle donnait un biberon à sa fille qui l'avalait goulument, elle se remémora la nuit qu'elle venait de passer. Elle souriait béatement en repensant à son premier vrai baiser, là-bas, sur le banc au fond du jardin. Elle aurait donné n'importe quoi pour revivre ce moment à l'infini. Elle pensait à cette nuit passée avec Céline et à la connexion parfaite qu'elles avaient eue. Cette douceur et cette force lui faisaient encore plus comprendre pourquoi elle redoutait toujours ses unions avec Thomas, elle n'avait jamais ce qui lui correspondait. Céline et elle prirent le petit déjeuné ensemble, les yeux dans les yeux. Elles ne disaient rien, leurs regards suffisaient à exprimer tout ce qu'elles voulaient dire. Dans la matinée, elles s'assirent sur le canapé du salon, face à face et se mirent à parler, parler, parler sans arrêt. Anna finit par lui montrer les objets qu'il y avait dans sa valise de voyage de noce.
« La photo de ta promo de pension. Tu ne regardes pas l'objectif, tu regardes quelqu'un d'autre, et ce quelqu'un d'autre c'est moi. Tu ne le savais pas mais tu étais complètement fascinée par moi. Je ne savais pas encore qui j'étais exactement et c'est grâce aux sentiments que j'avais pour toi que j'ai pu m'affirmer. Tu comprends bien qu'à cette époque je ne pouvais pas aller te voir en te disant, ''Salut, alors tu es lesbienne et tu es raide dingue de moi mais tu ne le sais pas.'' Tu m'aurais prise pour une folle et je n'aurais jamais pu devenir ton amie.
La photo de tes fiançailles, là tu regardes l'objectif mais ce jour-là, tu as à peine regardé ton cher et tendre.
La rose est celle que tu m'avais donnée en pension le soir ou j'étais seule sur un banc. C'était le soir ou toute l'école faisait la fête pour le concours national de rédactions que votre classe avait gagné. Chaque fille avait reçu une rose rouge. Voyant que j'étais seule sur un banc, tu étais venue me voir et tu m'avais donné ta rose. C'est ce soir-là que je me suis vraiment rendue compte que tu me fascinais et que j'étais amoureuse de toi.
Puis nous avons pris des chemins différents pour nos études et nous avons cessé de nous voir tous les jours. C'était pour moi une véritable torture. J'attendais tes appels comme le Messie et j'apprenais par cœur les lettres que tu m'envoyais. L'annonce de tes fiançailles a été un crève-cœur, je ne savais pas quoi faire. Tout te dire et risquer de te perdre ? Jamais. Je préférais te voir dans les bras d'un autre et te voir quand même. Cette solution était la moins dure à vivre sur le long terme. Je me trompais. J'étais certaine de mes sentiments pour toi mais je doutais de la réciproque. Au début du moins, tu devrais faire carrière dans le cinéma, tu étais très convaincante. C'est ce que je te dis dans cette lettre que tu n'as pas daigné ouvrir. Au fil du temps, j'ai compris pourquoi tu t'étais marié avec un homme, ta famille extrémiste te mettait une telle pression que tu t'étais auto persuadée que c'était la bonne chose à faire.
L'été dernier, j'étais désespérée. Tu étais mariée et enceinte. Tu paraissais tellement épanouie et heureuse. J'étais en colère, je t'aimais tellement et je ne pouvais pas te le dire. J'implosais ! Inconsciemment je voulais te faire mal comme toi tu me faisais mal sans le vouloir. On a pris nos distances et j'ai commencé à mal tourner. J'ai trainé dans des bars et je sortais avec une nouvelle fille toutes les semaines mais aucune ne t'arrivait à la cheville. J'ai fait mon coming out à mes parents qui m'ont reniée. J'ai toujours quelques contacts avec mon frère ainé et ma plus jeune sœur. Les autres ne veulent plus entendre parler de moi.
Hier, j'ai eu l'intuition que je devais aller ici pour te voir et te demander pardon pour tout ce que je t'avais fait. J'avais la certitude que mon amour pour toi n'était pas à sens unique. »
Anna l'embrassa. Elle avait raison.Les deux femmes restèrent inséparables pendant les quelques jours qui restaient avant le retour de Thomas. Elles se promenèrent dans la campagne, firent du shopping, et marchèrent dans les rues le nez au vent. Elles achetèrent deux petits bracelets en corde rouge et vert et le nouèrent au poignet de l'autre. En rentrant chez Anna elles commencèrent à réfléchir à ce qu'elles allaient faire quand Thomas rentrerait. Les quelques jours qu'elles venaient de passer ensemble confirmaient leur amour. Elles ne voulaient plus êtres séparées. Anna refusait absolument de divorcer, elle rejetait complètement l'idée que Joséphine puisse grandir entre deux foyer. Mais ce qu'elle ressentait pour Céline dépassait tellement tout ce qu'elle avait pu ressentir dans sa vie. C'était un amour sans raisons, sans conditions, elle se sentait capable de mourir pour elle. Cependant la venue de Joséphine avait changé la donne, elle se retrouvait devant un grand dilemme. Devait-elle choisir son bonheur en allant vivre avec l'amour de sa vie ou devait-elle rester auprès de Thomas pour Joséphine en se sacrifiant ? La deuxième option lui semblait être une bonne solution mais elle se disait que si elle n'était pas heureuse sa fille le ressentirait et cela pourrait lui nuire. Céline se trouvait dans une situation délicate. Elle ne savait pas quel rôle elle devait jouer auprès de Joséphine, de Thomas ni dans la décision d'Anna. Que devait-elle faire ? La pousser à abandonner son mari et risquer de faire le malheur de la petite fille ? Pousser Anna dans les bras de son mari en assurant son malheur qui pourrait entrainer celui de Joséphine et même de celui de Thomas à la longue ? Les deux jeunes femmes étaient perdues et ne savaient que faire. Thomas devait bientôt rentrer et Anna angoissait à l'idée de devoir faire comme si rien ne c'était passé. Céline décida de rester.

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Les Grillons
RomansaAnna, jeune femme mariée à un homme presque parfait, lutte contre elle même depuis plusieurs années. Elle se retrouve dans une situation qui semble inextricable dans laquelle elle doit choisir entre respecter ses vœux de mariage et l'homme qui l'aim...