Les trois avaient le regard baissé, aucun ne voulait, n'avait la force de croiser celui des autres. Ils restèrent là sans bouger, en silence pendant de longues minutes. Personne ne savait quoi dire, quoi faire. Anna brulait d'envie de se cacher dans un petit trou de souris, elle voulait disparaitre, échapper à cette situation si oppressante. Tout lui était insupportable, le chant des oiseaux, le bruit du vent dans les feuilles, le grondement de la machine à laver le linge, la respiration de Thomas. Céline gardait les yeux baissés. Elle se sentait tellement coupable, elle avait l'impression d'être la responsable de cette situation. Elle se disait qu'elle n'aurait jamais du avouer son amour, qu'elle n'aurait jamais dû venir jusqu'ici. Ce sentiment de culpabilité lui était odieux, elle aurait donné n'importe quoi pour s'en débarrasser mais ce n'était pas possible. Thomas de son côté accusait le coup. Les yeux rivés au sol il ne pouvait s'ôter de la tête l'image d'Anna embrassant une autre personne que lui. L'imaginer dans un lit en compagnie de quelqu'un d'autre lui faisait tellement mal. Son cœur se déchirait douloureusement, c'était comme si des petites particules s'en détachaient une à une dans un long et pénible déchirement. Cette douleur incommensurable de voir l'être qu'on aime le plus au monde se détourner de soi pour aller vers quelqu'un d'autre le rendait fou. Dans cette situation un duel se forme irrémédiablement entre l'être qui aime et celui qui est aimé, entre Thomas et Céline. Il ne pouvait rien faire, il n'avait aucunes prises sur cet amour qui lui été si étranger, il ne pouvait pas lutter, son ou plutôt sa rivale était tout ce qu'il n'était pas, une femme. Comment pourrait-il lutter contre cet amour illégitime, adultère ? Il ne le pouvait pas et il le savait. Il finit par se lever et rentra dans la maison. Il s'enferma dans son bureau. Anna et Céline se regardèrent pleines d'incompréhension. Elles s'attendaient à un esclandre, à des cris, des hurlements, de la violence et jamais elles n'auraient imaginé une telle réaction. Elle était presque pire. Thomas n'avait rien dit quand Anna lui avait avoué son adultère et son mensonge concernant son penchant amoureux. Il était resté de marbre, sans bouger, son immense douleur s'était lue dans ses yeux mais rien d'autre ne l'avait manifesté. Il s'était assis en silence et était reparti sans dire un mot. Ce silence, cette absence totale de réaction était insupportable pour Anna, elle aurait presque préféré qu'il l'a frappe. Elle sentait tout le mépris et le dégout que son mari ressentait désormais à son égard, elle se détestait. Céline ne savait que penser, ni à quoi elle devait s'attendre de la part de Thomas. Elle se leva et monta dans sa chambre, là elle fit sa valise, défit ses draps qu'elle mit dans le panier à linge sale, elle vérifia une dernière fois la chambre vide et ferma la porte. Anna se leva, blême, quand elle vit Céline sortir de la maison avec sa valise. Sans dire mot elle l'accompagna jusqu'à la voiture et l'aida à mettre la valise dans le coffre.
- Tu me laisses seule ?
- Écoute Anna, je ne suis pas certaine que ça soit une bonne idée que je reste. Thomas à probablement plein de choses à te dire, plein de questions auxquelles tu dois répondre. Je ne suis pas à l'aise face à lui, il ne peut plus me voir en peinture, tu comprends pourquoi...
- Euh non pourquoi ?
- Parce que j'ai couché avec sa femme voilà pourquoi.
- Ah. Oui effectivement de ce point de vue là...
- Honnêtement je n'ai aucune envie de te laisser, ces quelques jours ont été parfaits, j'aimerais tellement recommencer, passer toute ma vie avec toi... Mais tu es mariée, tu as une petite fille qui a besoin de son père et son père a besoin d'elle.
- Tu crois qu'on pourra se revoir ?
- Non je ne pense pas. Pas avec Thomas ni avec nos amis, pas en public en fait. Je ne veux pas que nos amis se doutent de quoi que ce soit et je ne suis pas sûre que nous pourrions nous comporter normalement vis-à-vis de l'autre. En fait j'ai peur de nous.
- Mais non. Ecoute, nous avons réussi à ne pas le laisser transparaitre pendant toutes ces années, je pense que nous serions tout à fait capables de recommencer.
- Après ces quelques jours ? Après tout ce qu'on à fait... j'avoue que j'en doute.
- Ne t'inquiète pas, tout ira bien. Ne te fais pas de souci à propos de la réaction de Thomas quand nous serons seuls, il est incapable de me faire du mal, physiquement en tout cas. Il est blessé et je comprends, je lui ai menti depuis le début. Honnêtement je ne sais pas si on va pouvoir se revoir bientôt ou dans de bonnes circonstances mais je t'assure que je t'aimerais aussi longtemps que les grillons chantent les nuits d'été. S'il y a une seule chose dont je suis sûre en dehors du fait que je pourrais mourir pour Joséphine, c'est que je t'aime.

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Les Grillons
Roman d'amourAnna, jeune femme mariée à un homme presque parfait, lutte contre elle même depuis plusieurs années. Elle se retrouve dans une situation qui semble inextricable dans laquelle elle doit choisir entre respecter ses vœux de mariage et l'homme qui l'aim...