Elle alluma son ordinateur. « 24 messages non lus. » Anna lu tous ces messages un à un et y répondit, « Merci, cher X, nous sommes tellement reconnaissants envers le ciel pour cette bénédiction. Nous sommes sur un petit nuage et profitons de ce moment de grâce. Thomas et moi vous embrassons. » Envoyer. A tous, le même message, tapé mécaniquement sur le clavier, sans émotions. Le 24ème message retint son attention plus que les autres. « Un mariage à l'église, une maison à la campagne et maintenant un bébé... Tu ne cesseras jamais de m'étonner ma chère Anne-Adèle. Que suis-je supposée dire ? Ah oui, félicitation chers amis, quelle bénédiction pour votre jolie famille ! Je pense à vous et m'unis à votre bonheur. Prières. Céline »
Le sarcasme et l'ironie de Céline étaient à leur paroxysme. Anna en resta pantoise, elle ne savait que penser ni que faire. Elle ne répondit pas.
Elle alluma ensuite son téléphone portable et écouta tous les messages envoyés par sa famille et ses amis. Tous disaient plus ou moins la même chose. « Anne-Aaaaaaaadèle ! Je suis trooooooooooop heureuse pour toi ! Tu verras, la maternité, c'est du bonheur en barres ! Je te fais mille bisous ! En tout cas nous espérons vous voir bientôt ! » C'était le message laissé par se belle-sœur qu'elle trouvait d'un ridicule et d'une superficialité dignes de concours mondiaux. Les autres messages étaient tous plus ou moins dans ce jus. Elle ne prit même pas la peine de répondre, elle était enceinte, tout lui serait pardonné.Le couple passa les fêtes de Pâques dans la famille Thomas et Anna put faire plus ample connaissance avec certains cousins de son mari qu'elle avait croisé à son mariage mais dont elle ne gardait qu'un souvenir très vague. Elle appréciait cette famille nombreuse ou tout le monde pouvait exprimer ses opinions sans être obligé de se justifier auprès du reste de la famille. Elle parla beaucoup avec ses belles-sœurs, les sœurs de Thomas, qui étaient déjà mères, à propos de la maternité. Elle put poser toutes les questions qu'elle n'osait pas poser à sa mère et eut des réponses claires, nettes et précises, sans périphrases. Elle était heureuse. Elle n'était pas obligée d'être collée à son mari toute la journée, ce dernier abandonnait volontiers sa femme pour aller vadrouiller dans les bois avec ses frères et cousins. Elle parlait enseignement avec sa belle-mère, professeure de lettres classiques à la retraite. Son beau-père l'adorait et tenait absolument à lui montrer tous les coins sympas pour faire des promenades dans la campagne environnante.
Le séjour dans la famille Laverdière toucha à sa fin et le couple rentra chez lui. Deux jours après leur retour, les parents d'Anna débarquèrent. Sur le pas de la porte, Anna soupira de lassitude en voyant la voiture arriver soulevant des kilos de poussière. Sa mère piailla pendant deux bonnes heures en admirant l'avancée des travaux, la décoration et le jardin. Elle ne put cependant pas s'empêcher de faire des remarques désobligeantes à sa fille sur la tenue de sa cuisine et poussa des hurlements quand Anna lui dit que c'était Thomas qui s'occupait du ménage de cette partie de la maison. Le soir quand le couple se coucha, Thomas s'endormit la tête à peine posée sur l'oreiller et Anna du prendre un doliprane pour calmer sa migraine provoquée par les piaillements incessants de sa mère. Le lendemain matin, au réveil, ils soupirèrent en même temps en entendant la tuyauterie de la douche, le départ des parents d'Anna leur semblait si loin ! Anne-Adèle passa beaucoup de temps avec sa mère qui lui décrivait l'accouchement avec moultes périphrases et métaphores ridicules. Thomas devait se justifier auprès de son beau-père pour chaque clou qu'il avait planté. Un jour, Anna laissa Thomas seul avec ses parents pendant quelques minutes. Quand elle revint, Thomas était blême. Elle alla dans la cuisine surveiller le gratin de pommes de terre, et fut rapidement rejointe par son mari, « Ne me laisse plus jamais seul avec tes parents ! Ils sont effrayants quand ils veulent ! » Anna soupira avec un air dépité qui voulait tout dire. Le séjour des parents d'Anna prit fin. Thomas et sa femme se couchèrent à 20h00 le soir même et ne se réveillèrent qu'à 9h00 le lendemain. Anna promit à son mari que plus jamais ils n'inviteraient ses parents.Le jour de la rentrée, Anna arriva au lycée plus tôt pour pouvoir annoncer sa grossesse au proviseur puis à ses collègues et enfin à ses élèves. Les réactions furent différentes mais étaient, dans l'ensemble, toutes positives. Elle continuait de donner ses cours avec la même exigence et la même discipline qu'à l'accoutumée. Ses élèves qui pensaient que la grossesse la rendrait plus ''cool'', déchantèrent rapidement en voyant les notes de leur bac blanc et les remarques de leur professeure. Anna tenait à ce que ses élèves aient leur bac avec des bonnes notes et les poussait à donner le meilleur d'eux même dans leurs devoirs-maison et ne laissait rien passer. On était à la fin du mois d'avril et Anna cherchait par tous les moyens à faire comprendre aux jeunes que le bac n'était plus loin.

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Les Grillons
RomanceAnna, jeune femme mariée à un homme presque parfait, lutte contre elle même depuis plusieurs années. Elle se retrouve dans une situation qui semble inextricable dans laquelle elle doit choisir entre respecter ses vœux de mariage et l'homme qui l'aim...