XXIII

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                  L'été fini par arriver, au grand dam d'Anna. Devant la porte de sa maison, les bras chargés des affaires qu'elle lassait habituellement au lycée, elle prit une grande inspiration, expira lentement et entra décidée à faire tous les efforts pour passer un bel été.
Elle accueillit pendant quelques jours ses amis Louis et Marine qui lui annoncèrent officiellement leurs fiançailles pour la fin du mois d'aout. Ils passèrent ces quelques jours à parler, se promener dans la campagne et se baigner dans l'eau fraiche de la rivière. C'était dans ces moments-là qu'Anna oubliait tous ses problèmes, ses interrogations, ses peurs. Elle s'abandonnait complètement dans l'ambiance amicale, joyeuse et détendue et était entièrement présente et disponible pour ce qui l'entourait. Louis et Marine partirent un matin d'une chaude journée de juillet.
Anna regarda la poussière qui volait après le passage de la voiture le cœur lourd et rentra dans la maison réclamée par sa petite employeuse aux boucles blondes. Le quotidien prit le dessus sur la volonté d'être positive qu'elle avait. Son sourire s'effaçait peu à peu. La flamme espiègle qui brillait dans ses yeux s'éteignait doucement. Joséphine, Phinette réussissait toujours à faire sourire sa mère en lui faisant des grimaces adorables. Anne-Adèle souriait d'un air triste et embrassait sa fille en passant sa main dans ces boucles dorées comme le blé mur.
Un jour, elle ne put retenir ses larmes. Pourquoi pleurait-elle ? Nul ne pourrait y répondre. Joséphine, gros bébé de 10 mois, alla devant la bibliothèque du salon et commença à en retirer tous les livres l'air réjoui. Anna ne se sentit pas la force de la gronder ni de faire quoi que ce soit. Elle finit pourtant par se lever pour ranger les livres éparpillés sur le sol. Joséphine en mordillait un. Alors qu'elle reclassait les livres par ordre alphabétique, elle entendit un ''Dadadadadadadadadada'' accompagné de tapes d'une petite main sur un livre. Elle se retourna et vit sa petite fille taper le livre qu'elle mordillait, un sourire solaire éclairait son visage. Cinna, Pierre Corneille. Elle prit le livre dans ses mains et se leva. Elle ne l'avait pas ouvert depuis son retour de la maternité. C'était le premier livre que Joséphine avait vu. Elle se souvenait très bien, elle lui avait lu les premiers vers de l'acte I pour calmer ses pleurs. Se pouvait-il ce petit bébé se souvienne que sa mère lui avait lu les vers de ce livre-là précisément quand il avait pleuré pour la première fois ? Quoi qu'il en soit Anna s'assit sur son fauteuil et commença à lire. « Dadada ? », elle leva la tête et vit son adorable bébé assis devant elle, la bouche ouverte, les yeux ronds et interrogateurs. Elle continua sa lecture à voix haute et prit de l'assurance.
« Au milieu toutefois d'une fureur si jute,
J'aime encor plus Cinna que je ne hais Auguste,
Et je sens refroidir ce bouillant mouvement
Quand il faut pour le suivre exposer mon Amant.
Oui, Cinna, contre moi moi-même je m'irrite
Quand je songe aux dangers ou je te précipite. »
Anna continua sa lecture à voix haute bien après que Joséphine se soit endormie sur le tapis.
Vers 19h30, alors qu'elle descendait à la cuisine après avoir couché Phinette, elle entendit une voiture arriver. Elle sortit intriguée. Ça ne pouvait pas être Thomas qui était parti la veille en Turquie pour le travail. Céline sortit de la voiture.

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