Les Grillons

XVII

Le mois de mai se termina doucement. Anna devait faire face à l'angoisse de ses élèves qui remarquaient (enfin) que le bac arrivait très vite et qu'il aurait, peut-être, fallu travailler un peu plus pendant l'année. Anna, professeure dévouée, fit pour ses futurs bacheliers un programme de révision qui prenait en compte les autres matières et les moments de détente. Elle proposa des oraux blancs supplémentaires pour ceux qui le voulaient et fit des exercices d'entrainement qu'elle donna aux jeunes étudiants. Juin succéda à mai, et apportait avec lui, le bac et le premier anniversaire de mariage d'Anne-Adèle et Thomas. Ce dernier décida d'emmener sa femme en week-end sur la côte d'Azur pour profiter du soleil et de la mer avant qu'Anna ne s'enferme pour corriger les copies de bac, sa grossesse avait joué en sa faveur pour lui éviter la surveillance des épreuves. Le couple passa deux jours au bord de la mer à se promener les pieds dans l'eau, et admirer paysage maritime. Ils visitèrent le vieux port de Marseille et prirent un café dans le mythique bar de la marine du plus célèbre auteur marseillais, Marcel Pagnol qu'Anna adorait. Le week-end se termina rapidement et Anna retrouva avec bonheur son bureau dans lequel elle passait le plus clair de son temps, et les copies du bac. Pendant trois jours Thomas ne vit Anna qu'à peine deux heures en dehors des nuits et l'entendait pousser des cris désespérés à intervalles régulier. Il finit même par reconnaitre les nuances entre un cri dû à une faute d'orthographe, de grammaire, d'une phrase qui n'a pas de sens, du langage sms et beaucoup d'autre... Quand elle sorti de son bureau après avoir terminé les corrections, il l'enferma dans la salle de bain et lui passa des vêtements propres, puis aéra le bureau de sa femme. Trois jours sans en sortir, sans ouvrir la fenêtre et sans entrer dans la salle de bain laissaient des traces odoriférantes assez désagréables.

Le mois de juillet fut rythmé par les finitions des travaux de rénovation de la maison et du jardin, les visites de la famille, les mariages des amis et la préparation à l'accouchement. Anna parlait de plus en plus au bébé. Elle lui donnait des conseils pour sa vie à l'extérieur. Elle lui lisait à voix haute les œuvres littéraires qu'elle préférait et lui expliquait les effets des figures de styles sous le regard amusé de Thomas. Au mois d'aout elle dû aller seule chez ses parents quelques jours pour les traditionnelles vacances en famille. Seuls ses frères et sœurs et leurs enfants étaient les bienvenus, les pièces rapportées été mises dehors. Anna était harcelée de questions sur le bébé. Comment allait-elle le mettre au monde ? Combien de temps allait-elle l'allaiter ? Mangerait-il bio ? Ferait-elle les petits pots maison avec des légumes bios ? Quelle éducation lui donnerait-elle ? Au bout de combien de temps le ferait-elle baptiser ? Quelle école maternelle, privée évidemment, avait-elle choisie ? Le salaire de Thomas était ils assez élevé pour subvenir aux besoins de trois personnes ? Combien de temps allait-elle arrêter de travailler pour s'occuper du bébé ? Anna soupirait en pensant à toutes ces questions qui lui semblaient totalement ridicules et inutiles. Elle finit par faire une réponse générale qui répondait à toutes les questions de sa famille. Il y eu des hurlements d'horreur et d'indignation quand Anna annonça qu'elle accoucherait sous anesthésie locale, qu'elle n'allaiterait pas directement le bébé mais qu'elle utiliserait une machine spéciale pour que Thomas puisse donner des biberons de nuit, qu'elle ne prendrait pas d'année sabbatique pour s'occuper de bébé mais qu'elle allait travailler à mi-temps. Voyant l'effet dévastateur de ses réponses, elle monta dans sa chambre, fit sa valise et sortit de la maison. Une fois le coffre de sa voiture fermé elle leur annonça qu'elle connaissait même le sexe de bébé ce qui termina d'achever sa mère. Elle démarra et quitta la propriété de ses parents en se jurant que jamais plus elle n'irait chez eux. Elle arriva chez elle tard dans la nuit, rentra sans faire bruit et se coucha, exténuée, sur le canapé. Quelle ne fut pas la surprise de Thomas quand il découvrit sa femme qui dormait à poings fermés dans le salon, deux jours seulement après son départ !
Elle lui racontât en détails l'interrogatoire qu'elle avait subi et la réaction de sa famille quand elle leur avait annoncé leurs choix concernant le bébé. Thomas pleurait de rire en imaginant la tête de sa belle-mère apprenant qu'Anna ne s'arrêterait pas complètement de travailler. Anna monta se recoucher, épuisée par les 3 heures de routes qu'elle avait conduites seule et dans la nuit.