XXVII

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              Céline rentrait sa promenade à pas lents, elle ne voulait pas réveiller la petite Joséphine qui s'était endormie dans le porte bébé. Elle s'arrêta quelques instants pour cueillir des marguerites qui poussaient en touffe sur le bord du champ. En arrivant à l'entrée du jardin elle vit Thomas debout, face à la maison, le visage grave, le regard froid. Il se tenait droit, les bras croisés, immobile. Sa mâchoire carrée était crispée, ses poings serrés tremblaient légèrement, ses yeux brillaient malgré tous ses effort. Il savait.
Céline s'approcha encore et vit Anna assise sur une chaise, prostrée, le regard vide, les yeux secs, les joues trempées. Elle était recroquevillée, les jambes pliées entourées de ses bras nus, ses cheveux chutaient librement dans son dos et des mèches folles tombaient avec légèreté sur son front en formant de gracieuses boucles blondes. Au fur et à mesure qu'elle avançait Céline ressentait de plus en plus l'atmosphère pesante qui régnait sur le devant de la maison.
Anna tourna la tête et se leva pour prendre Joséphine dans ses bras. Elle monta la coucher dans sa chambre. Elle gouta chaque secondes de ce moment de calme et de douceur. Joséphine, qui s'était réveillée, fit pleins de grimaces qui arrachèrent un sourire à la jeune maman qui oubliait un instant la terrible scène qui venait de se produire. Elle s'assit sur le fauteuil du coin de la chambre et regarda avec tendresse ce petit bout de bébé s'endormir en produisant d'adorables gazouillements d'endormissement. Elle resta sans bouger à regarder sa fille dormir. Elle était là, assise dans un coin de la chambre sombre, elle profitait de ce moment de douceur comme jamais auparavant, elle dévorait Phinette du regard comme si c'était la dernière fois qu'elle la voyait. Elle aurait voulu rester dans cette chambre des heures durant, éloignée du monde, du bruit, des disputes. Elle finit par se lever la mort dans l'âme, elle sortit de la chambre et descendit dans le jardin ou Thomas et Céline étaient assis en silence sur les chaises en bois. Au loin dans le ciel des nuages s'amoncelaient. L'air était chaud et humide, l'atmosphère lourde, un vent léger se levait doucement. Elle s'assit.


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