Suite de Réunion hebdomadaire, en espérant que ça vous plaira ^^
Bonne lecture !_____
L'appartement était étonnamment petit. Situé sous les toits d'un des bâtiments qui faisait face au méconnu et pourtant crucial Club Diogène, devant lequel Molly avait déjà rejoint plusieurs fois le politicien. Malgré la décoration des plus épurée et impersonnelle, la jeune femme se sentit aussitôt à l'aise sous les poutres apparentes et les murs inclinés. Sans vraiment faire attention au fait qu'elle pensait à voix haute, elle déclara.
- Ça me rappelle la chambre que j'avais chez ma grand-mère...
Le son de sa propre voix semblant la ramener à la réalité, elle se tourna vers Mycroft, un peu gênée.
- Enfin bien sûr, ça ne vous intéresse pas du tout. Désolée.
Si Mycroft avait d'abord semblé un peu perplexe, il finit par esquisser un léger sourire, infime, mais venant de lui c'était déjà beaucoup. Surtout s'il semblait aussi sincère que celui-ci.
- Non non, il n'y a pas de mal. Vous avez raison, mes grands parents avaient eux aussi des chambres de ce style. Je trouve ce genre d'endroit assez apaisant.
C'était assez étrange de l'entendre dire ce genre de choses, mais c'est vrai qu'en y regardant bien il semblait plus détendu ici. Molly lui confia son manteau, et rattacha par automatisme en une queue de cheval ses cheveux qu'elle avait lâchés. Elle s'en était à peine aperçue, c'était un genre de tic nerveux. Il fallut que Mycroft, en revenant, fasse un commentaire, pour qu'elle s'en rende compte.
- Ils vous allaient aussi bien détachés.
Alors qu'esquissant un sourire gênée, elle allait pour les dénouer, il secoua la tête.
- Non laissez. Vous avez l'air plus à l'aise comme ça.
Molly suspendit donc son geste, ramenant ses mains qu'elle joignit dans son dos, bien décidée à ne plus toucher à quoi que ce soit. Elle avait l'impression que c'était encore pire que si elle était entrée dans ce club chic tout à l'heure. Qu'est-ce qui lui était passé par la tête enfin ? Pourquoi avait-elle accepté de venir ici ? Elle n'avait rien à y faire, c'était évident. Certainement que Mycroft regrettait déjà de l'avoir invitée. Peut-être même que s'il avait rompu leur routine c'était pour lui annoncer que ces rendez-vous ne rimaient plus à rien et qu'il valait mieux cesser de se voir ? Elle-même n'aurait su dire pourquoi son cœur s'était serré à cette idée.
Mycroft pourtant ne semblait aucunement avoir l'intention de la congédier. Ou alors il la ménageait, ce qui venant de lui était aussi surprenant que touchant. Il l'invita à s'asseoir, puis lui servit un verre de vin qui la détendit un peu. Un deuxième, puis un troisième verre achevèrent le travail.
Comme chaque fois, ils parlèrent de tout, de rien, de Sherlock, de John, de la famille et des gens qu'on considérait comme tel, de la solitude qui hantait leur cœur, mentionnée à demi-mot au détour d'une phrase, et qui, les surprenant tous les deux, était un peu moins intense quand ils étaient ensemble. C'est sur une phrase de Mycroft que la conversation avait basculée.
- John a rencontré quelqu'un.
Il avait voulu mettre dans ces mots tout le dédain qu'il éprouvait pour ce genre de relations humaines, mais, probablement sous l'effet de l'alcool, sa phrase s'était teintée d'amertume. Molly murmura, l'air pensif.
- Il en a de la chance...
Mycroft hocha doucement la tête pour toute réponse. Le silence flotta un instant dans la pièce. La jeune légiste aurait pu demander comment elle, ou il d'ailleurs, s'appelait. Depuis combien de temps est-ce qu'ils étaient ensemble, si ça se passait bien. Elle aurait dû se réjouir pour John, lui qui avait traversé tant de choses difficiles ces derniers temps. Mais la seule pensée qui parvenait à trouver sa place dans son esprit, étouffant tout le reste, c'est qu'elle aurait bien voulu, elle aussi, avoir quelqu'un.
Elle leva les yeux vers Mycroft. Rougit en s'apercevant qu'il la regardait aussi. Il avait ce même regard perçant que son petit frère, celui qui lisait en vous comme dans un livre ouvert. Ça l'aurait à peine surprise d'apprendre qu'il savait tout des pensées qui venaient de lui traverser l'esprit. Après un instant à la regarder ainsi, droit dans les yeux sans qu'aucun d'eux deux ne se détourne, Mycroft se décida à dire quelque chose.
- De toute évidence, le docteur Watson n'a plus besoin de nous. Ce qui implique que ces rendez-vous ne riment plus à grand chose.
Molly sentit très distinctement son cœur s'arrêter, lui donnant la même sensation de vertige que si elle venait de chuter, de très haut. Du toit de l'hôpital peut-être. La chute allait faire mal. Elle crut qu'elle allait pleurer. Les larmes n'atteignirent pas ses yeux, se contentant de bloquer sa gorge d'une boule de tristesse qui l'empêchait de dire un mot.
Alors on y était. Elle avait vu trop clair en lui, il s'était trop ouvert à elle pour se permettre de continuer, alors il la jetait dehors. Elle reposa doucement son verre, s'efforçant de ne pas montrer à quel point elle était blessée, et se leva lentement. Mycroft tendit la main pour attraper son poignet, la retenant.
- Que faites-vous ?
Molly se tourna de nouveau vers lui, les yeux remplis d'incompréhension. À quoi jouait-il ? Pourquoi est-ce qu'il lui faisait ça ? Ne pouvait-il pas se contenter de la laisser partir ? Fallait-il qu'il la torture un peu plus encore ? Elle parvint finalement à articuler, malgré sa gorge noué.
- Vous avez dit...
- Je n'avais pas terminé.
La jeune femme se rassit sagement, la mort dans l'âme. Elle savait ce qui allait se passer. Ce ne serait pas le premier homme à lui faire le coup, il fallait toujours qu'elle s'amourache de sociopathes. Elle ne savait pas d'où leur venait ce besoin de la briser avec leurs mots trop bien choisis, de lui faire suffisamment de mal avec leurs paroles pour que jamais plus elle ne s'approche d'eux, que jamais plus ils ne soient aussi vulnérables que quand ils étaient avec elle. Elle aurait presque préféré des coups en définitive. Au moins les blessures physiques finissaient-elles par cicatriser.
- Je disais donc que nos rendez-vous ne rimaient plus à grand chose. D'ailleurs pour être honnête nous devons tous les deux admettre que cela fait déjà un bon moment que c'est la cas, n'est-ce pas ?
Molly se contenta d'un léger hochement de tête. À quoi bon dire quoi que ce soit ? Il avait dû composer son petit discours avant même de l'inviter à venir, autant le laisser terminer.
- Et pourtant vous avez continué de venir chaque fois que je proposais un rendez-vous. Et je tiens vraiment à vous remercier pour ça.
La légiste le regarda, étonnée. Ce n'est pas vraiment ce à quoi elle s'attendait. Mycroft soutint son regard. C'était plus difficile qu'avec n'importe quel chef d'état ou criminel avec lequel il l'avait fait, mais il ne flancha pas, poursuivant.
- Vous n'avez pas la moindre idée du bien que ça me fait de vous retrouver, toutes ces soirées que nous avons partagées. Alors si vous permettez, j'aimerais que l'on cesse les faux-semblants. Ce n'est plus pour John que je viens vous retrouver. Et vous ?
Molly resta silencieuse un moment, incrédule. Son cœur s'était remis à battre, un peu plus fort qu'avant. L'aîné des Holmes n'était pas en train de la mettre à la porte, il était en train de lui avouer ses sentiments ! Quels genre de sentiments, cela elle n'était pas sûre d'oser encore le comprendre. Mais quoi lui répondre, ça, elle le savait. Elle n'avait pas le moindre doute même.
- C'est pour vous que je viens Mr Holmes.
- Mycroft. S'il-vous-plaît.
- Mycroft.
Le silence qui s'installa entre eux n'avait plus rien de pesant. C'était simplement le temps qu'il leur fallait à chacun pour encaisser l'aveu inattendu, inespéré, de l'autre. Molly n'était pas du genre à faire le premier pas, mais elle était encore un peu ivre des verres qu'ils avaient bu, et se disait que de toute manière, même si elle se trompait, ça ne pourrait pas être pire que lorsqu'elle avait cru qu'il ne voulait pas d'elle. Alors elle se pencha doucement vers lui, lui laissant tout le temps de s'esquiver.
Ce qu'il ne fit pas, loin de là, venant poser doucement sa main sur sa joue, la laissant glisser dans sa nuque pour mieux presser ses lèvres contre celle de la jeune femme. Ni l'un ni l'autre ne savait où cela allait les mener. Si c'était bien raisonnable, ou si ça pouvait durer. Mais pour ce soir, ils avaient quelqu'un, et ça leur suffisait amplement.
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The Game Is On (OS Sherlock)
Short StoryRecueil d'OS en tous genres sur la série Sherlock (plus d'infos dans le premier chapitre)