Finalement je n'ai pas eu le temps de finir le Johnlock, alors je vous met ce petit Mormor en attendant et on se retrouve dimanche.
Bonne lecture !_____
Jim Moriarty se retourna une nouvelle fois dans son lit, plaquant son oreiller sur sa tête comme si ça allait suffir à ne plus entendre.
Il le savait depuis ce matin pourtant. Il l'avait senti venir, comme tout le monde. L'orage. Même un génie du crime tel que lui ne pouvait empêcher les éléments de se déchaîner.
Les chiffres lumineux sur son réveil indiquaient trois heures du matin. Tant mieux. Moran devait sûrement dormir à une heure pareille. Jim était secrètement impressionné de cette capacité qu'avait son sniper à occulter les bruits comme celui de la pluie quand il dormait. Aptitude d'autant plus impressionnante qu'en revanche un seul léger grincement du parquet aurait pu réveiller Sebastian si ça avait signifié un danger.
Ils ne partageaient pas la même chambre. Pas encore. Le même appartement oui, et il arrivait, de plus en plus souvent, que Jim fasse à son tigre une visite nocturne et se réveille dans ses bras le lendemain matin.
Mais pas ce soir. Cette nuit, Moriarty avait besoin de rester seul. Seul avec ses démons les mieux enfouis...
Un éclair illumina brièvement la pièce et Jim se recroquevilla encore plus, appréhendant la suite. Et ça ne loupa pas. Le tonnerre gronda, résonnant aux oreilles du criminel consultant avec la même force que les paroles de son père quand il était enfant.
«Tu n'es qu'un petit con arrogant ! Tu te crois plus intelligent que tout le monde ? T'es qu'un incapable ! T'arriveras jamais à rien t'entends ? Tout ce qui t'arrives, tu le mérites.»
Un nouvel éclair tira la pièce des ténèbres, mais les ombres du passé étaient toujours là. Elles s'accrochaient à lui, enserrant sa gorge, prêtes à l'étouffer. À moins que la pression le long de sa trachée vienne seulement de ses sanglots refoulés.
Alors bien sûr, ce temps était révolu à présent. Ces heures sombres à endurer en silence les coups de son géniteur trop imbibé d'alcool pour mesurer les conséquences de ses actes ne reviendraient jamais. Son salop de père était mort et lui était devenu quelqu'un. Le seul et unique criminel consultant du monde...
Mais les souvenirs étaient toujours là. Et le tonnerre, qui grondait toujours au dehors, semblait les ramener à la vie, mélangeant passé et présent comme une photo floue sur fond de rivières de larmes.
«Arrête papa ! J't'en supplie arrête ! J'ai compris cette fois, c'est promis ! J'ai retenu la leçon...»
À force il ne savait plus trop si ces paroles étaient seulement celles du petit garçon dans ses souvenirs ou s'il s'était mis à les prononcer à voix haute. Est-ce que c'était des larmes qu'il sentait couler le long de ses joues ? Il se croyait pourtant capable de les retenir...
Il avait chaud et froid en même temps. Les draps étaient froissés, repoussés au bout du lit tandis qu'il se débattait en vain contre un assaillant invisible.
C'est cette image que vit Sebastian quand il ouvrit doucement la porte, un verre d'eau entre les mains. Il dirait à Jim qu'il s'était levé pour boire et qu'il avait entendu du bruit.
La vérité c'est qu'il se tenait debout devant la porte fermée depuis le début de l'orage, sans se décider à entrer. Il avait bien senti que le criminel consultant détestait le tonnerre. Qu'il en avait peur même...
Et quand il l'entendait supplier un père invisible de cesser de le frapper, comme le petit garçon perdu qu'il était encore même après tout ce temps, il ne fallait pas être un génie pour comprendre de quoi il était question.
Un éclair illumina de nouveau la chambre, laissant la silhouette du sniper de découper en ombre chinoise dans l'encadrement de la porte. Jim sursauta en le voyant, se recroquevillant un peu plus dans un réflexe défensif qui serra le cœur de Sebastian.
Mais dès qu'il l'eût reconnu, le criminel consultant lui lança un regard noir, cherchant à retrouver un semblant d'autorité malgré la faiblesse qu'il venait de laisser paraître. À cause de cette faiblesse même. Jim Moriarty ne devait pas se montrer faible, pas même devant son plus proche lieutenant. Surtout pas devant Sébastian.
Pars Sebastian. Referme cette porte que tu n'aurais jamais dû ouvrir. Fais demi-tour et retourne te coucher, oublie ce que tu viens de voir. N'en parle jamais, à personne. Ne m'oblige pas à te faire taire définitivement.
Le sniper soutint son regard sans flancher. Et, au lieu de faire machine arrière, il s'avança doucement, refermant la porte derrière lui. Il avait trouvé le courage d'entrer. Maintenant que c'était fait, autant aller jusqu'au bout.
Il s'assit sur le rebord du lit, à côté d'un Jim qui hésitait entre se mettre en colère ou se laisser aller, et se contenta donc d'attendre la suite. Sebastian lui tendit le verre d'eau qu'il prit d'une main tremblante. C'est vrai qu'il avait la gorge terriblement sèche.
Le sniper le regarda boire, puis poser le verre sur la table de chevet. Puis, voyant que Jim ne faisait rien pour le repousser, il s'allongea à ses côtés, le prenant doucement dans ses bras. Moriarty ne le montra pas, évidemment, mais ce genre d'étreinte rassurante était exactement ce dont il avait besoin à ce moment-là. Sebastian demanda à voix basse.
- Tout va bien ?
- Oui... Qu'est-ce que tu fais ici ? Je te croyais endormi...
- Je me suis levé pour boire et j'ai entendu du bruit.
Finalement, une fois prononcée à voix haute, son excuse ne trompait plus personne. Mais Jim ne dit rien. Après tout, Sebastian n'était pas le seul à mentir dans l'histoire.
Sebastian n'osa pas demander pourquoi Jim ne lui avait rien dit à propos de son père. Après tout, si le criminel consultant avait une place particulière dans sa vie et son cœur, il ne se faisait pas vraiment d'illusions : lui n'était qu'un pion de plus aux yeux de Moriarty. Et la plupart du temps, ça lui allait très bien.
Mais contre toute attente, Jim répondit à sa question muette. Avec son ton cynique habituel, mais c'était déjà un grand pas en avant que de ne plus le garder pour lui.
- Un méchant avec une enfance tragique, c'est un peu trop cliché pour moi, tu ne crois pas tiger ?
Sebastian se contenta de l'embrasser avec tendresse avant de murmurer, à quelques millimètres de ses lèvres.
- Ça restera notre secret alors...
Le jour les trouva toujours ainsi, l'un blotti dans les bras de l'autre, dormant enfin paisiblement. C'était la première nuit passée ensemble durant laquelle le désir ne s'était pas invité entre eux. Et il en serait sûrement de même pour toutes les nuits d'orage à venir...
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The Game Is On (OS Sherlock)
Short StoryRecueil d'OS en tous genres sur la série Sherlock (plus d'infos dans le premier chapitre)