Premier baiser (Adlock)

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Mon premier Adlock !
C'est assez différent de ce qu'on voit d'habitude je pense (et j'espère un peu aussi)
J'espère que ça vous plaira, dites moi si d'autres sur ces deux là vous tenteraient

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Pour Sherlock Holmes, Irène Adler resterait toujours la Femme. Éclipsant toutes les autres, dominant l'entièreté de son genre. Le souvenir qu'elle lui avait laissé quand ils s'étaient rencontrés, adultes, était profondément ancré en lui, et il lui arrivait régulièrement d'aller lui rendre visite en pensée dans son palais mental, pour lui demander son avis sur une chose ou une autre, ou simplement pour discuter.

Mais ce que Sherlock ignorait, c'est qu'Irène et lui s'étaient déjà rencontrés, plus jeunes. Pour sa défense, il faut dire que cette période avait été brève, et qu'Irène avait changé depuis. Ajoutons également qu'elle était restée pour lui une inconnue, dont il ne savait pas le nom. Et pourtant...

Pourtant la jeune Irène Adler lui avait laissé un souvenir aussi impérissable, si c'est n'est plus, que celui gardé à l'âge adulte. Un souvenir soigneusement classé avec toutes ses autres premières fois. Celui de son premier baiser.

Cela remontait à presque vingt ans maintenant. Sherlock avait onze ans, et pour la première fois depuis sa naissance, il allait passer l'été sans son grand frère qui, ayant enfin atteint sa majorité, avait à présent d'autres préoccupations que ces vacances en famille.

C'est donc boudeur et, bien qu'il refuse de l'admettre, déçu de l'absence de Mycroft, que Sherlock rejoignit la maison familiale cette année là. Suite à l'incendie de Musgrave, c'est en France, dans la maison du peintre Horace Vernet, lointain ancêtre de sa mère, que la famille du jeune Sherlock allait passer tous ses été.

Cette année là, la maison voisine, habituellement inoccupée, avait été rachetée par un couple de bourgeois venus du New Jersey. Des gens très polis, avec qui les parents de Sherlock, sans pour autant se lier d'amitié, entretenaient des rapports cordiaux, et dont lui même se désintéressa très vite après s'être amusé à en dresser le portrait par déduction.

Il était en train de jouer seul à la lisière des arbres qui bordaient la propriété la première fois qu'il la vit. Elle portait une robe rouge qui mettait en valeur son teint pâle, ses cheveux, attachés en queue de cheval dégageaient son visage angélique, et un sourire mutin étirait ses lèvres tandis qu'elle l'observait, cachée derrière un tronc.

Si Sherlock n'avait que peu l'habitude d'avoir des contacts avec d'autres enfants de son âge, et ne ressentait ni l'envie, ni le besoin de se lier d'amitié avec qui que ce soit, la jeune Irène, du haut de ses onze ans et derrière ses airs de petite fille modèle, était déjà capable d'étendre sa domination sur son entourage pour faire exaucer le moindre de ses caprices. C'était pour elle un jeu, le plus amusant de tous, et elle comptait bien sur ce petit garçon aux yeux bleus pour y jouer avec elle.

Ils s'observèrent un instant, puis Irène fit un pas en avant. Il n'en fallait pas plus au jeune Sherlock pour se sentir menacé et fuir la jeune fille, comme une proie avisée face au loup déguisé en agneau. Si Irène en fut surprise, elle ne s'en vexa pas. Sa cible était réfractaire ? Tant mieux. Le jeu n'en serait que plus amusant.

Alors elle revint, jour après jour, inlassablement. Elle se mettait derrière son arbre, et elle regardait Sherlock jouer avec les personnages imaginaires qu'il se créait pour remplir sa solitude. Il semblait se prendre pour un courageux pirate, épaulé par son fidèle bras droit Barberousse, affrontant le terrible corsaire du roi, un certain Mycroft. Il finissait inlassablement par devenir ami avec celui-ci, après avoir perdu Barberousse dans une terrible tempête, et régnait finalement sur les sept mers avec un sens aigu de la justice. Des jeux d'enfant qui auraient eu beaucoup à apprendre à certains adultes.

Et chaque jour que dura ce petit manège, soit presque deux semaines, la curiosité prit un peu plus le pas sur la peur, et Sherlock laissa Irène l'approcher de plus en plus, jusqu'à l'inclure à son équipage. Pas une fois il ne lui demanda son prénom. Dans leurs jeux il l'avait déjà surnommée la Femme, comme une bravade aux autres pirates peuplant son imaginaire qui disaient qu'une fille n'avait pas sa place sur un bateau. Et puisqu'elle aimait bien cette part de mystère sur son identité, la jeune Irène Adler ne lui donna pas son nom non plus.

Pendant deux semaines encore, il jouèrent ensemble, chaque nouvelle aventure imaginaire les trouvant plus proches l'un de l'autre. Jusqu'au jour fatidique du départ. La famille Adler avait déjà fait ses bagages. Ne manquait plus que leur fille, qui était introuvable. Et pour cause : Sherlock et elle s'étaient cachés au milieu des buissons pour échapper aux adieux imposés par les adultes. Ni l'un ni l'autre n'était dupe pourtant : il leur fallait trouver les mots rapidement, car ils ne pourraient pas éternellement échapper à la réalité.

Sherlock, recroquevillé dans leur cachette, les jambes contre son torse, se lança le premier.

- J'avais jamais eu d'amie fille avant.

Irène lui adressa un sourire malicieux qui le fit rougir jusqu'à la pointe des oreilles.

- On est amis alors ? Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de spécial ?

Sherlock acquiesça timidement tandis que la petite fille riait silencieusement de le faire tant rougir. Elle se servit comme excuse du peu d'espace qu'ils avaient pour se rapprocher de lui et lui souffler à l'oreille.

- Tu crois que je pourrais aussi être ta première petite amie ?

Le jeune garçon aurait rougit encore plus si ç'avait été humainement possible. Il bégayait légèrement.

- J-je, je sais pas... Je sais pas comment on fait...

La petite fille lui souriait toujours d'un air mutin. Ses cheveux, lâchés aujourd'hui, étaient décoiffés, quelques brindilles s'enmmêlant dans les mèches brunes. Mais il ne l'en trouvait pas moins jolie. Alors il ne chercha pas à s'enfuir cette fois. Ni quand elle se pencha vers lui, ni quand ses lèvres rencontrèrent les siennes. Ils restèrent ainsi un moment, leurs bouches simplement posées l'une contre l'autre, chacun savourant la présence de l'autre. Irène finit par s'écarter un peu. Elle ne s'était pas départie de son sourire en coin qui creusait sur ses joues d'adorables fossettes. Elle murmura, son visage toujours si proche du sien qu'il sentait son souffle sur son visage.

- C'est comme ça qu'on fait.

Ils se regardèrent un long moment en silence. C'est elle qui finit par partir, à contrecœur, en entendant les appels insistants de ses parents. Juste avant de quitter leur cachette, cependant, elle se retourna une dernière fois.

- Au revoir Sherlock Holmes. Je compte sur toi pour devenir le plus grand pirate que la Terre ait porté.

Il lui sourit faiblement, l'air triste.

- On se reverra hein ?

Son sourire à elle était assuré.

- Je te retrouverai. C'est promis. Après tout maintenant, tu me dois un baiser...

Elle fila sans attendre de réponse, laissant le jeune Sherlock derrière elle, les joues encore rouges et doté d'une seule certitude. Que ce soit dans un mois ou plusieurs années, la Femme le retrouverait.

The Game Is On (OS Sherlock)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant