Chapitre 9 - Égarantes contradictions

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Évitez simplement les appartements du roi et de la princesse. Tel était l'un des premiers conseils donnés par Nessa, le jour où Alisée avait posé les pieds au palais. Et moins d'une semaine plus tard, voilà qu'elle s'apprêtait déjà à l'outrepasser.

Alors qu'elle montait l'escalier de marbre menant aux étages supérieurs de l'aile ouest, une légère appréhension la gagnait. Même si cela semblait être le cas d'absolument tout le monde dans ce palais, le roi ne détenait pas une réputation des plus rutilantes... Combien de récits contaient sa cruauté, aussi bien envers des soldats que de pauvres jeunes filles sans défense ? Il aurait été impossible de les dénombrer, et malgré son siècle d'existence, la vampire ne les avait pas tous entendus.

Au fond d'elle, elle savait que son frère n'aurait jamais accepté qu'elle prenne de tels risques pour le retrouver. Consentir à être offerte en tant que poche de sang, alors qu'une douce vie tranquille lui tendait les bras sur la Terre des Loups, représentait déjà une folie considérable. Mais se rendre seule dans les appartements du roi constituait une autre affaire.

Si elle voulait que sa loyauté soit pleinement assurée aux yeux de Sa Majesté, elle ne pouvait cependant pas se permettre d'attendre plus longtemps. Même le fait de prendre le temps de passer par sa propre chambre représenterait une marque d'hésitation. Le monarque savait que sa partie avec Branwell et Beatricia devait avoir lieu cette nuit-là, et il se doutait qu'un simple jeu de cartes ne durerait pas jusqu'au lever du jour.

Elle se força à rester focalisée sur son problème actuel : trouver où se situaient les appartements du roi. En effet, elle venait de dépasser au moins trois étages supérieurs au sien, sans savoir ce qu'ils abritaient. Aucun domestique ne traînait à l'horizon et tous les corridors semblaient déserts. Seuls ses pas résonnaient sur les marches de marbre, brisant le silence de manière inquiétante. Elle avait beau tendre l'oreille, son audition surnaturelle ne captait pas le moindre bruit. Après tout, peut-être que le roi ne se trouvait pas dans ses quartiers.

Lassée par cet escalier apparemment interminable, elle décida de s'engager dans l'un des couloirs. Celui-ci était moins bien éclairé que ceux des zones plus fréquentées. Quelques chandeliers muraux s'éparpillaient de temps à autre, projetant l'ombre de leurs flammes sur des murs ocre. Plusieurs portes en bois foncé s'alignaient, moins nombreuses que dans les autres étages du palais.

Plus Alisée avançait, plus les flammes se faisaient éparses. L'obscurité l'entourait, tandis que la pierre criait sous ses pieds. Le corridor paraissait sans fin, mais poussée par elle ne savait quelle détermination, elle ne s'arrêtait pas de marcher. Elle ne pouvait s'empêcher de se retourner fréquemment, oppressée par ce silence pesant. Parfois, il lui paraissait entendre un bruit sourd derrière celui de ses pas, comme si on la suivait. Calme-toi, s'obligea-t-elle à se rassurer. Aucun loup-garou ne va surgir de derrière une...

Un miaulement de chat interrompit le cours de ses pensées.

Si son coeur battait encore, il aurait bondi hors de sa poitrine. Elle se tourna vivement vers l'animal, dont elle discerna d'abord l'ombre, avant de le voir approcher d'un pas lent. Ses yeux jaunes transpercèrent les siens, comme s'il cherchait à sonder son âme. D'habitude, la réserviste aimait beaucoup les animaux, mais celui-ci la mit drôlement mal à l'aise. Les poils dressés de son pelage tigré n'avaient rien pour rassurer... si bien que lorsqu'une voix extrêmement rauque retentit, elle sursauta en retenant un cri.

— Jarah, viens ici.

Le chat continua de fixer l'intruse. Pendant un instant, elle crut que le félin lui-même avait parlé, puis des pas plus distincts approchèrent.

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant