Chapitre 28 - Sacrément haut perché

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— Vous n'avez pas eu trop de mal à retrouver le chemin ?

Le roi se tenait appuyé au chambranle de la porte de sa chambre, un petit sourire narquois fixé sur ses lèvres. Contrairement à la dernière fois qu'Alisée lui avait rendu visite ici, sa chemise immaculée était parfaitement fermée. Il portait également sa veste d'un noir de jais, évidemment transpercée par une rose.

Une blanche, cette fois-ci.

— Un domestique m'a aidée, indiqua-t-elle d'une voix neutre.

Au cours de la journée, elle avait à peine fermé l'oeil. D'une heure à l'autre, son choix variait quant à ce qu'elle allait faire de sa nuit à venir. Un coup elle réussissait à se raisonner et décidait de poser un lapin à Sa Majesté, un autre elle cédait à la tentation et laissait sa curiosité la consumer.

Entre la raison et la folie, c'était finalement cette dernière qui l'avait emporté.

— Quelqu'un sait que vous venez ? lui demanda-t-il avec une fausse innocence.

Et la raison allait bien lui faire regretter sa décision.

— Est-ce une menace, Votre Majesté ? fit-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Je peux toujours m'en aller, vous savez.

— Vous et moi savons que vous ne le ferez pas, la provoqua-t-il en ponctuant sa remarque d'un clin d'oeil. Et je vous ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça.

— Très bien, Votre Majesté.

Quitte à entrer dans un jeu dangereux et sans retour, autant y aller jusqu'au bout. Cela sembla l'amuser, car il pinça les lèvres afin de réprimer un nouveau sourire. Il se dégagea de l'embrasure pour la laisser entrer, ce qu'elle fit après avoir pris une brève inspiration.

Absolument tout le monde ignorait sa visite dans les appartements royaux. L'idée d'en parler à Nessa pendant qu'elle prélevait son sang l'avait tiraillée, mais elle savait que la femme de chambre aurait tenté de la dissuader de commettre une telle imbécilité. Danila et Jae-Sun n'ayant pas recroisé son chemin, cela l'avait dispensée de s'enquérir de leur avis. Même s'ils aimaient la taquiner sur la certaine attention que lui accordait le roi, elle doutait qu'ils cautionnent ses actes.

— Qu'avez-vous à me montrer ? le pressa-t-elle en esquissant deux simples pas et sans fermer la porte.

Aucun détail n'avait changé dans la chambre d'Adrian : les murs se peignaient toujours d'un vert très foncé et s'habillaient de gracieuses moulures argentées. Autant de petites bougies que la dernière fois brillaient un peu partout, éclairant les dizaines de tableaux aux paysages solaires.

Son attention se porta une fraction de seconde sur le lit qui lui paraissait beaucoup trop grand et beaucoup trop confortable...

— C'est juste là, déclara-t-il en s'approchant de l'une des immenses fenêtres.

Circonspecte, elle l'observa tirer un épais rideau et révéler une haute et large vitre donnant sur les étoiles. Il l'ouvrit et une douce brise pénétra dans la pièce, agitant lentement ses courts cheveux dorés. Comme il avait l'air d'attendre qu'elle s'approche, elle se résolut à fermer la porte et à s'avancer de quelques mètres.

— Détendez-vous, je ne vais pas vous pousser par-dessus bord, la rassura-t-il avec espièglerie.

Lasse de passer pour une lapine apeurée — bien que ce fut plus ou moins ce qu'elle était — elle le rejoignit près de la fenêtre. Elle observa d'abord le ciel nocturne, constellé de mille étoiles scintillantes et dominé par une demi-lune voilée de légers nuages. Certes, ce spectacle était indéniablement beau et apaisant, mais on pouvait encore mieux le contempler sous le dôme de verre de la bibliothèque.

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant