Chapitre 56 - Illusions

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— Honnêtement, je suis un peu déçue... Je pensais que le thé sanglant servi à la Cour serait meilleur.

Cette soi-disant "déception" n'avait pas empêché Kristal de boire presque toute la théière. Cela ne faisait pas vingt-quatre heures qu'elle était arrivée au palais, mais elle semblait déjà bien décidée à découvrir toutes les merveilles d'une "vie de château". Pour son plus grand plaisir, le roi avait ordonné son installation dans une jolie petite chambre aux tons de rose, située au même étage que les appartements des réservistes.

Après l'avoir laissée se reposer de son voyage, Alisée avait décidé de lui rendre visite, accompagnée de Danila. Cette dernière était curieuse de découvrir qui était la fameuse Kristal, dont son amie lui avait tant parlé.

— Je peux demander à quelqu'un de vous amener un autre parfum, si vous voulez, lui proposa gentiment l'ancienne louve, soucieuse de se montrer aimable envers la nouvelle venue.

Allongée sous ses couvertures telle une vieille dame au crépuscule de sa vie, Kristal fronça le nez en tournant bruyamment une petite cuillère dans sa tasse.

— Nul besoin de vous donner cette peine, répondit-elle d'une voix haut perchée. Je prendrai peut-être une camomille sanglante, tout à l'heure. J'ai une abominable migraine.

Elle feignit de se frotter la tempe et Alisée leva les yeux au ciel. Elle se tenait assise sur un petit fauteuil capitonné, à côté de celui de Danila. Il lui semblait être au coeur d'une mauvaise pièce de théâtre, dans laquelle son personnage devait veiller la pauvre rescapée d'une affreuse tragédie...

— Arrête un peu tes manières, réprimanda-t-elle la petite rousse. Que je sache, tu viens de passer des mois dans une taverne, pas au fin fond d'une sombre prison.

Kristal redressa brusquement sa tête — à laquelle elle n'avait visiblement plus mal — et poussa une petite exclamation outrée.

— Quelle ingrate es-tu ! s'écria-t-elle avec des inflexions si aiguës que Danila en tressauta. Je prends des risques afin de sauver ton cher roi, et toi tu te montres horriblement méprisante !

En effet, même avec un poignard braqué contre son coeur, la main qu'Adrian avait glissée dans celle d'Alisée ne lui était pas passée inaperçue. Encore moins le léger baiser qu'il avait déposé sur ses lèvres, juste avant de partir prévenir ses chefs de clans...

— Alors dis-moi, reprit Kristal en reposant sa tasse sur sa soucoupe de porcelaine, es-tu devenue reine pour te permettre de me parler de cette façon ?

L'interpellée cilla, ayant légèrement été déstabilisée par le mot "reine". Elle sentit le regard de l'ancienne alpha peser sur elle, alors qu'un silence s'étirait.

— Est-ce qu'il se sert simplement de toi pour cou...

— Assez, Kristal, la coupa brutalement la belle vampire. Comme je te l'ai dit lorsque je suis venue te rendre visite chez les Tanner, cela ne te regarde pas.

La serveuse entrouvrit les lèvres afin de répliquer, mais Alisée ne lui en laissa pas le temps :

— Dis-nous plutôt comment tu as fait pour venir jusqu'à nous. Tu as démissionné sans que personne ne te demande des comptes ?

— En fait, je n'ai même pas démissionné, badina-t-elle, toute fière d'elle. Juste après avoir surpris la discussion entre la pauvre gourgandine et l'autre partisan du Feu Nouveau, je suis rentrée et ai discrètement fait ma valise. J'ai dû attendre toute la journée que le soleil se couche, puis je suis partie avant même qu'Enrica ne soit levée.

La malheureuse patronne devait actuellement maudire son ancienne employée...

— J'ai filé aussi vite que j'ai pu pour me trouver une diligence à destination de la capitale. Cela n'a pas été une mince affaire, puisque ces partisans du diable mettent leur nez dans absolument tout. Ils contrôlent les nouvelles arrivées, les départs... Ils s'arrangent pour rester invisibles, mais ils sont plus présents que les milices !

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant