Chapitre 35 - L'éclair

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— Oh tiens, mademoiselle Alisée ! Je savais que vous étiez obsédée par moi, mais pas à ce point !

La réserviste dépassa vivement Adrian pour entrer dans sa chambre, ignorant sa chemise blanche débraillée et le torse qu'elle laissait entrevoir. Les bras croisés sur sa poitrine, elle se planta au milieu de la pièce et attendit qu'il ferme la porte. D'habitude, c'était elle qui ne se sentait pas à l'aise lorsqu'elle venait ici, or en l'occurrence, il paraissait plus inquiet qu'elle.

— Il y a un problème ? se risqua-t-il face à son regard marron qui lui jetait des éclairs. Votre Kristelle vous a répondu ?

Avec ses cheveux dorés en bataille et ses yeux dont aurait été jaloux un ciel d'été, il devenait presque difficile de se mettre en colère après lui. Presque.

— Pouvez-vous me dire ce que signifie ceci ? fit-elle en décroisant les bras afin de révéler l'écrin de velours noir.

Au cas où il ne serait pas assez explicite, elle l'ouvrit et laissa l'éclat de la bague miroiter à la lumière des chandelles. Sagement adossé à la porte, le roi haussa les épaules.

— Je ne suis pas très calé en symbolique des pierres, je préfère les fleurs, mais je crois que l'améthyste représente le bonheur et la sincérité, ou quelque chose comme ça...

— Vous avez très bien compris ce que je veux dire, l'interrompit-elle.

Il leva les mains, prenant le même air innocent qu'un gentil chaton.

— Les cadeaux sont distribués aléatoirement par un domestique, sous le contrôle d'un garde, se défendit-il. Je suis désolé si vous auriez mieux aimé tomber sur une chaussette ou les sous-vêtements très...

Saisissant que ce n'était pas le moment de se moquer d'elle, il mit un terme à ses plaisanteries et poussa un long soupir.

Il baissa le regard vers le sol, tout masque de désinvolture ou de narquoiserie l'ayant abandonné.

— Je voulais juste... Je pensais que vous seriez heureuse de la recevoir.

Alisée resta un instant désarmée face à sa... sincérité, comme le signifiait apparemment si bien cette magnifique pierre violette. Elle faillit oublier pourquoi elle s'était mise dans une telle colère au point de décider de se rendre jusqu'ici.

— Je ne veux pas bénéficier de traitement de faveur, ni vous devoir quoi que ce soit, Votre Majesté, déclara-t-elle moins froidement qu'escompté. Je... Je suis... touchée par votre attention, même si j'avoue ne pas complètement comprendre pourquoi vous...

Elle n'alla pas plus loin, craignant de trop en dire. Quelles étaient les motivations de son geste, au juste ? La question refusait de franchir ses lèvres. Ses cent deux ans d'existence ne l'empêchaient pas de redouter la réponse, qui lui ferait sans doute se poser de nouvelles interrogations.

Et quitte à jouer encore une fois les autruches, elle refusait de se pencher dessus.

— Vous ne me devez absolument rien, lui assura-t-il en éludant sa dernière réplique. Vous me donnez votre sang tous les soirs, donc c'est plutôt moi qui vous suis redevable.

Vu comme cela...

— Certes, mais vous m'avez aussi empêchée de finir déchiquetée par des loups-garous, lui rappela-t-elle. Si on compte également ma "vie de palais" et tous les vêtements à ma disposition, je crois que nous sommes quittes.

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant