Chapitre 52 - Cordes cassées

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— J'ai rarement été aussi fatiguée de toute ma vie...

Et Alisée n'exagérait pas. Le sang du roi ne réussissait absolument pas à son organisme. La dernière fois que ses membres avaient été si endoloris, c'était après sa transformation. Rien ne pouvait surpasser la douleur — aussi physique que psychologique — qu'elle avait éprouvée à cette époque-là, mais celle qui la tenaillait à présent restait à la limite du supportable.

Le voyage du retour jusqu'au palais, pendant lequel les effets positifs de l'hémoglobine royale s'étaient dissipés, lui avait paru interminable. Elle était désormais bien contente d'être allongée dans son lit... surtout avec Adrian à son chevet, assis sur le bord du matelas.

— Je vous... Enfin, je t'avais prévenue, lui sourit-il un peu maladroitement.

Malgré ses muscles plus lourds que du plomb et son envie de dormir, elle éclata de rire.

— On ne va vraiment pas s'y faire, n'est-ce pas ?

Il retrouva sa malice et lui caressa doucement sa main, qu'il tenait dans la sienne.

— Oh, moi je suis sûr que je m'y ferai très vite...

Elle frémit lorsqu'il se pencha vers elle pour l'embrasser, ce contact lui rappelant tout ce qu'ils avaient vécu quelques heures plus tôt. Si elle l'avait pu, elle serait restée à la maison au bord du lac pour l'éternité, enfermée avec lui sans plus jamais revenir. Elle se souvenait de la moindre de ses caresses, du moindre de ses baisers, et ne demandait qu'à les ressentir de nouveau. Les sensations qu'il éveillait en elle étaient telles que plusieurs fois, elle aurait juré que son coeur s'était remis à battre dans sa poitrine.

Un seul désir l'animait : celui d'attirer le roi un peu plus contre elle, seulement... Le simple fait de rester éveillée lui réclamait un effort considérable.

— Il vaut mieux que tu te reposes, déclara-t-il en se reculant. Préviens-moi quand tu te seras remise et...

Il ne termina pas sa phrase, mais l'étincelle qui brilla dans son regard était assez évocatrice. Elle se mordit les lèvres, puis un bref éclair de lucidité traversa son esprit embrumé.

— Il n'y a pas eu de problèmes, pendant notre absence ? Ces partisans du Feu Nouveau n'ont pas refait parler d'eux ?

Il se leva et ébouriffa machinalement ses cheveux blonds.

— Non, heureusement. Malgré tout, je pense que nous avons bien fait de ne pas partir plus d'une journée... Même si je ne l'espère pas, nous risquons de très vite réentendre parler d'eux.

Ses yeux se posèrent ensuite sur Cordes cassées, qui patientait sagement sur la table de chevet de la réserviste.

— Vous me direz, quand vous l'aurez lu, fit-il d'une voix soudain un peu tendue. Attendez de vous être remise et...

Ses mots restèrent encore dénués de suite, sauf que cette fois, son regard fuyait ostensiblement celui d'Alisée. Elle remarqua aussi que sans faire attention, il avait recommencé à la vouvoyer, ce qui finit de la perturber.

— D'accord, articula-t-elle assez faiblement.

Elle avait désespérément besoin de sombrer dans l'inconscience, et c'est ce qu'elle fit quelques secondes à peine après le départ d'Adrian. Un sommeil sans rêves l'emporta de longues heures, si bien qu'à son réveil, elle se demanda combien de fois l'aiguille avait fait le tour du cadran.

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant