Chapitre 45 - Lumières éteintes

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Les funérailles de Beatricia Blackfire ne furent certainement pas à la hauteur de ce qu'elle aurait souhaité.

Conformément à la tradition des chefs de clans, les restes de son corps furent brûlés et conservés dans une urne en cristal. Celle-ci fut transportée au fin fond d'une crypte, nichée dans les sous-sols du château. Peu de courtisans assistèrent à la courte cérémonie rendue en son hommage, certains peinant à se remettre d'un tel choc.

Alisée avait accompagné Danila, qui elle-même était venue soutenir Jae-Sun. Le chef des Song n'avait jamais porté la Blackfire dans son coeur, cependant le meurtre de l'une de ses consoeurs l'avait inévitablement ébranlé. L'ancienne louve — bien qu'ayant plusieurs fois fait les frais des brimades de Beatricia — avait versé une larme silencieuse lorsque l'urne avait été déposée dans un compartiment de marbre. Quelqu'un était ensuite venu sceller ce dernier, puis y avait cloué une plaque portant le nom de la dirigeante.

En prêtant attention à toutes les cases qui l'entouraient, la réserviste avait pu prendre conscience du nombre de clans qui s'étaient succédés au fil des siècles. Forbes, Zenda, Fegari, Nightsun, Jornes... La liste était sans fin.

Pas une seule fois son regard n'avait croisé celui d'Adrian. Il était obstinément resté aux côtés de sa fille, et la réserviste ignorait s'il avait seulement remarqué sa présence. Elle savait malgré tout que pour l'heure, d'autres problèmes devaient le tarauder.

Du moins, c'était ce qu'elle se répétait afin d'expliquer pourquoi il ne lui avait pas adressé la parole depuis presque cinq jours.

Cela faisait pourtant deux nuits que Beatricia avait été enterrée, et il ne s'était pas manifesté. Bien sûr, elle ne demandait pas à ce qu'ils reprennent exactement là où ils en étaient, comme il le lui avait promis, mais elle éprouvait le besoin de savoir comment il allait. Même si cette idée ne pouvait que difficilement lui plaire, elle savait que la cheffe de clan avait été importante pour lui, ne serait-ce que par sa fonction.

À présent, Alisée traversait les couloirs, dans le but de rendre visite à Danila. La sécurité du palais ayant été renforcée, les déplacements entre les différentes ailes étaient réglementés. Nul courtisan n'avait de toute façon envie d'organiser un quelconque jeu ou une futile activité, la plupart restant cloîtrés dans leur chambre.

Ce furent donc des escaliers du grand hall vides qu'elle descendit, au même moment qu'une silhouette bien familière les remontait.

— Bonjour, euh... Enfin, bonsoir.

Ses salutations empressées firent relever la tête du roi. De la surprise anima ses yeux bleus, sans complètement les égayer pour autant.

— Bon... Bonsoir, bégaya-t-il, aussi maladroit qu'elle. Vous... allez bien ?

Depuis les quelques mois qu'elle le connaissait, jamais elle ne lui avait vu un air aussi fatigué. Épuisé, même.

— Et vous ? prit-elle cependant la peine de l'interroger.

Il laissa ses épaules s'affaisser et soupira.

— Avec ce que j'ai fait, je suppose que je n'ai pas le droit de me plaindre...

— Ce que vous avez fait ? répéta-t-elle.

Elle ne comprenait pas où il voulait en venir. Faisait-il encore allusion à l'histoire de sa soeur ?

Il s'assura que les gardes postés au bas des marches étaient trop loin pour les entendre, puis murmura :

— Au cours des jours qui ont précédé... l'autre nuit, Beatricia n'a cessé de me répéter qu'elle recevait des menaces de plus en plus virulentes. Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais suite à cette "affaire de la bague" fomentée par on ne sait qui, son clan s'est révolté contre elle.

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant