Chapitre 24 - Rien qu'une distraction

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« Ma très chère Alisée,

J'ignore si cette lettre te parviendra un jour, cependant je ne puis continuer à vivre avec un tel poids sur la conscience. Cette charge pèse sur moi à chaque seconde, emplissant de doute et d'inquiétude chacune de mes pensées.

Ce poids, c'est celui de l'ignorance quant à ce qu'il est advenu de toi. Il s'est écoulé presque deux mois depuis que tu as été offerte à Sa Majesté. Deux mois sans qu'aucune nouvelle ne me parvienne. J'imagine que tu t'inquiètes également de mon devenir, sauf si quelques lumières ont su t'éclairer à ce sujet — ce dont je doute — mais sache que je me porte du mieux que l'on peut lorsqu'on est condamnée à servir des panachés dans une taverne de basse fréquentation...

Je ne t'écris toutefois pas pour me plaindre. Si ce billet te parvient et que tu as la possibilité d'y répondre, je te supplie de mettre un terme à mes tourments en me racontant comment se déroulent tes journées au palais. Chaque nuit de plus passée dans l'incertitude me comble d'affliction, et rien que l'idée qu'il ait pu t'arriver malh... Oh ! Je n'ose même pas coucher ces mots sur le papier !

En espérant que ma diablesse de patronne m'informe bientôt que j'ai reçu du courrier,

Kristal Tanner »

Cette lettre scandaleusement ridicule avait au moins eu un mérite : celui de faire éclater de rire Alisée. Heureusement qu'elle se trouvait seule dans sa chambre quand elle l'avait lue pour la première fois, car elle n'avait pu contenir son hilarité. Se sentant obligée de faire partager cela à Danila, elle s'était élancée jusqu'à la bibliothèque, où elle devait de toute façon retrouver la jeune vampire.

Cette dernière, venant de terminer sa lecture de la missive, fronça les sourcils.

— Mais... À quoi cela rime ? C'est une apprentie écrivaine en dramaturgie qui t'a écrit ça ? Si c'est le cas, je lui donne un dix-huit sur vingt, simplement afin qu'elle revoie un peu la justesse...

La réserviste gloussa sans pouvoir s'arrêter.

— Les troupes de théâtre du monde entier regrettent chaque jour de ne pouvoir recruter Kristal ! s'exclama-t-elle en portant une main à son coeur.

Un peu perdue, Danila fixa alternativement son amie et la lettre, ne sachant trop qu'en penser. Ces dernières semaines, Alisée n'avait pu témoigner de grandes marques de gaieté, se contentant de sourire de temps à autre aux tentatives de plaisanteries des deux Song. Jae-Sun lui avait proposé de partager à son tour un souvenir avec lui, au cas où son frère l'ait davantage marqué que le roi, mais elle ne souhaitait pas de nouveau replonger dans son passé. Surtout qu'elle ne voyait pas pourquoi le chef de clan aurait plus de chances de se souvenir de Damien que le monarque.

— Donc... Tu connais vraiment cette fille ? s'enquit Danila. A-t-elle un rapport avec ton frère ou... un autre membre de ta famille ? se risqua-t-elle.

— Non, je l'ai connue quand j'avais environ quarante ans, bien après être devenue une vampire. Elle a été une Neutre pour l'immortelle chez qui je vivais, puis a été transformée à l'âge de douze ans, toujours par cette même femme.

— Ah oui, intervint Jae-Sun depuis le fauteuil où il était assis, un livre entre les mains. Dame Miranda, c'est cela ? Je me souviens que vous nous en avez parlé, l'autre jour. Elle a l'air si charmante...

— Un modèle de bonté, en effet, ironisa Alisée en grimaçant.

Elle ignorait de qui, de Dame Miranda ou des ravisseurs du désert, lui avait fait le plus de mal...

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant