Chapitre 40 - Au-delà des ombres

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— Je peux entrer ?

L'air aussi penaud qu'un chiot ayant cassé le vase préféré de son maître, le roi se tenait dans l'embrasure de la porte d'Alisée. Ne s'attendant pas à tomber sur lui en allant ouvrir, elle marqua une courte hésitation. Sans dire un mot, elle finit par s'effacer pour lui laisser le passage.

— Jolie chambre, commenta-t-il en considérant vaguement les murs rouge foncé.

Les mains dans les poches de son pantalon noir, il paraissait ignorer où se mettre, n'osant s'approcher du lit à baldaquin. Comme s'il s'agissait d'un refuge, il alla vers la fenêtre, moins grande que celle de ses propres appartements. La réserviste ferma la porte et ne s'en éloigna pas.

— Je vous rappelle que nous sommes chez vous, Votre Majesté, lui répondit-elle d'un ton où ne perçait pas une once de courtoisie. Cette décoration est votre oeuvre, ou celle de l'un de vos domestiques. Pas la mienne.

Sa froideur le fit grimacer.

— En effet, articula-t-il en contemplant le parquet brillant.

Un silence. Gênant, évidemment.

Elle croisa les bras et attendit qu'il lui explique la raison de sa venue, or il se borna à jouer les carpes.

— Vous aviez quelque chose à me dire, Votre Majesté ? Nessa est déjà venue prélever mon sang, si c'est cela qui vous intéresse.

Il leva vers elle un regard atterré. Elle regretta le mépris éhonté qu'elle lui affichait, cependant elle se sentait incapable de mieux.

— Je... Je tiens à vous présenter mes excuses pour... l'autre soir, se lança-t-il. Je vous avais invitée et... Tout ce que j'ai réussi à faire a été de vous mettre dans l'embarras.

— Je vous pardonne.

Surpris qu'elle le gracie si rapidement, il la fixa avec perplexité.

— Je suis bien placée pour savoir que l'on ne contrôle pas toujours ses émotions, ajouta-t-elle.

Il lui sourit, ce qui la dissuada presque de prononcer les paroles qui s'apprêtaient à franchir ses lèvres. Elle repensa toutefois à ce qui n'avait cessé de tourner dans sa tête pendant les deux derniers jours.

— À présent, j'aimerais que vous vous en alliez, déclara-t-elle en rouvrant la porte.

Le visage d'Adrian se décomposa et ses épaules s'affaissèrent, pareil à si elle lui avait porté un coup. Elle se détourna de ce triste tableau, attendant qu'il s'exécute.

— Je... Écoutez, je sais que je ne me suis pas montré à la...

— Non, le coupa-t-elle sèchement. Il ne s'agit pas de cela, je vous ai dit que je ne vous en voulais pas. Seulement, j'ai réfléchi et me suis rendu compte qu'accepter votre invitation était une erreur.

Éberlué, il fit mine de faire un pas dans sa direction, avant de se stopper net face à son regard dur.

— Désormais, reprit-elle, j'aimerais que nos chemins ne se croisent plus. Je continuerai de vous donner mon sang, mais là sera l'unique lien que nous conserverons.

Chaque mot lui coûtait, d'autant plus lorsqu'elle voyait l'effet qu'ils produisaient sur lui. Sauf que cette comédie doit cesser.

— Je... Je ne comprends pas, reconnut-il, désemparé par son attitude. Qu'est-ce qui a changé pour que vous vous montriez soudainement si... glaciale ?

Ne le regarde pas dans les yeux, ne le regarde pas dans les yeux, s'intima-t-elle. Car comment se montrer dure et inflexible, lorsque deux magnifiques iris bleutés vous suppliaient de ne pas ternir leur éclat ?

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant