Chapitre 42 - Le prix d'une rose

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Alisée ne savait que dire.

Les derniers mots du roi résonnaient en écho dans son esprit, sans qu'elle ne parvienne à les assimiler. Elle fixait le visage d'Adrian, tentant vainement de chercher une explication, une lueur, n'importe quoi qui lui indiquerait que ces pauvres mots dépassaient la réalité.

— Je vous avais dit que vous ne vouliez pas connaître la vérité, déclara-t-il à mi-voix. Elle est bien pire que les mille légendes racontées au sujet de ma transformation...

Ses yeux ne quittaient pas les siens, comme s'il se faisait un devoir d'affronter sa réaction.

— Justement si, je veux savoir, affirma-t-elle avec une douceur qui parut presque l'effrayer. Je... Je suis certaine que rien n'est aussi simple que cela, que...

— Vous m'accordez finalement plus de crédit que je ne le pensais, constata-t-il tristement.

La douleur qu'elle lut dans son regard lui déchira le coeur. Sur la balustrade de pierre, leurs mains n'étaient qu'à quelques millimètres, mais il retira la sienne avant qu'elle ne l'effleure.

— Cela ne servirait à rien que je vous raconte tout. Vous ne voudriez plus jamais m'adresser la parole et... Même si c'est ce que je mérite, je crois être trop lâche pour le supporter.

Il baissa la tête, cependant la réserviste, bien que profondément touchée, ne comptait pas le laisser s'en tirer ainsi.

— Eh bien, laissez-moi en juger, insista-t-elle. Vous venez de m'avouer avoir... tué votre soeur. Autant m'expliquer comment cela est arrivé, non ?

Il la regarda comme si elle avait perdu la raison et Alisée elle-même se demanda si elle ne devenait pas folle. Il a tué sa soeur, lui susurra une voix sournoise. Et toi, que fais-tu ? Tu lui cherches des excuses au lieu de t'enfuir en courant. Sûrement que certains avaient été internés pour moins que cela.

Adrian parut réfléchir un long moment, puis poussa un soupir résigné.

— Vous faire partager mes souvenirs n'est pas exactement ce que j'avais prévu afin de terminer cette soirée...

— Partager vos souvenirs ? se stupéfia-t-elle. Vous n'y êtes pas obligé, je ne veux pas que ce soit trop éprouvant pour vous ou...

Elle s'interrompit, se rendant compte qu'en temps normal, elle aurait écopé d'une taquine remarque sarcastique. Il se contenta de hausser les épaules.

— Si je ne fais que vous raconter l'histoire, vous risquez encore de prendre ma défense et de m'accuser de ne pas vous avoir tout dit. Au moins pourrez-vous constater les faits tels qu'ils sont.

Malgré son désir d'enfin lever le voile sur l'un des secrets les mieux gardés du monde, l'immortelle hésitait. Que se passerait-il si elle découvrait qu'au-delà de sa relative bonté, le roi cachait bel et bien l'âme d'un monstre ? Accepterait-elle de renoncer à cet indéniable... attachement qu'elle ressentait pour lui ?

— Je vais vous montrer quatre souvenirs, fit-il en tendant une main vers son visage. Si cela peut vous rassurer, tous datent d'environ mille huit cent trente-six ans plus tôt. Vous comprendrez donc que j'y sois quasiment devenu insensible.

Sa voix rauque lui indiqua qu'il mentait.

— Vous êtes sûr qu'il est bien raisonnable de faire cela ici ? l'interrogea-t-elle en désignant le vide derrière eux. Vous ne risquez pas de perdre l'équilibre ou d'être désorienté en revenant à l'instant présent ?

Il lui adressa un triste sourire et secoua la tête. Puis comme si une bataille intérieure menaçait de le faire changer d'avis, il déposa deux de ses doigts sur la tempe d'Alisée.

Sang de Rose [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant