Chapitre 28 : L'achèvement de l'imprimante 3D

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Si Carlos n'avait pas fait grand-chose de sa journée - si ce n'était grimacer alors qu'il digérait encore le goût infecte de sa gorgée de thé -, Anna, de son côté, avait carburé depuis l'aube sur son imprimante 3D, recluse dans sa chambre.

Depuis presque toute la matinée, Lonnie n'avait vu son amie autre part que face à son projet, muette comme une carpe, les cheveux relevés en un chignon lâche (et bien moins soigné que celui de sa mère Anita), plongée dans ses songes intellectuels et créatifs, avec ses vieilles instructions chiffonnées en mains. C'était une vision très étrange, bien qu'assez habituelle si l'on regardait quelques semaines plus tôt. Comme si la vieille Anna Radcliffe, solitaire et perfectionniste à son arrivée au campus, venait de ressurgir au petit matin pour s'engager de nouveau avec détermination dans ses bidouilleries farfelues la coupant du reste du monde. Finalement, elle et Carlos étaient un peu pareils, avant de se rencontrer : à choisir entre débarquer à une fête et rester dans leur chambre, dans le calme et la solitude, à jouer aux jeux vidéo pour l'un ou à travailler sur des machines pouvant remporter un concours de robotique pour l'autre, ils auraient à tous les coups opté pour la seconde option !

Et ensuite, on se demandait pourquoi ils n'arrivaient pas à être en couple ?

Bien qu'encore intriguée de ce changement (ou plutôt de ce retour) de comportement, Lonnie avait alors fait germer sa propre théorie : sachant que le délai de travail aboutissait dans seulement deux jours, la descendante britannique avait décidé de reprendre les choses en mains en se raccrochant au sérieux et à la valeur personnelle que ce projet avait pour elle. Après tout, cette envie de recréer une certaine forme de magie demeurait un projet réfléchi de longue date, et qu'elle n'aurait jamais pensé réaliser pour un devoir à rendre. Cette œuvre farfelue datait de l'époque où Anna était Riley, soit la passionnée entêtée qui ne travaillait qu'en solo sur ses créations suffisamment brillantes et ne pensait qu'à ces dernières, jour et nuit.

Bien évidemment, la chinoise avait tenté à plusieurs reprises de faire prendre l'air à sa colocataire et la persuader qu'elle méritait une pause-cookie, mais la châtaine était inarrêtable : c'était une vraie machine ! Et pas même Jewel n'en put obtenir autant d'attention que la descendante de Mulan.

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Le lendemain à onze heures, alors qu'ils n'avaient pas cours, Carlos se rendit comme prévu au premier étage de la résidence des filles, et ce fut une drôle d'Anna qui lui ouvrit la porte :

Bien qu'elle fût parfaitement habillée et eût dompté ses cheveux en queue de cheval bombée, le fils de Cruella eut l'espace d'un instant l'impression que quelque chose chez elle clochait. Peut-être étaient-ce les légers plis sur ses vêtements amples qui laissaient entendre qu'elle n'avait pas pris le temps comme à son habitude de les repasser ? Ou bien était-ce son teint qui était un peu plus pâle qu'avant ? À moins que ce ne fussent ses yeux, d'habitude si immenses et pétillants, qui semblaient actuellement plus petits et timides à la lumière du jour ? Quoi qu'il en fût, le jeune homme ne s'y attarda pas plus longtemps, préférant revenir à l'instant présent et offrir à sa coéquipière son plus chaleureux sourire.

« Salut ! » dit-il avec un signe de main.

- Salut. lui répondit-elle en étirant à son tour un petit sourire qui ferma ses yeux pendant quelques secondes, secouant ensuite ses épaisses boucles dorées avant d'ouvrir un peu plus la porte derrière laquelle elle restait cachée. J't'en prie, entre ! Tu vas bien depuis la dernière fois ?

C'était étrange. Elle n'avait pas une voix du matin aux accents cassés, mais ça y ressemblait bizarrement, puisque son timbre était doux et se voulait un minimum énergique. Derrière son épaule, on pouvait apercevoir que son lit avait été fait et que plus aucun papier ne traînait en vrac, seulement trois grosses boîtes de cartons s'empilant en une petite tour sur la droite ; pourtant, cela n'empêcha pas au descendant de Cruella de verrouiller son regard sur d'étrangement (trop) nombreux sachets de thé usagés, disposés près d'un mug sur le mini service à côté de la commode, alors qu'il s'avançait doucement dans la chambre. Pouvait-on ingurgiter autant de thé à seulement onze heures du matin ? C'est ce qu'il se demanda avec un sourcil arqué, alors qu'il les fixait en s'approchant un peu plus. Mais ces derniers lui rappelant bientôt le goût ignoble qu'il avait dû endurer la veille, il se força à bientôt détourner les yeux et se reculer du meuble, afin d'éviter le risque de se provoquer une nausée.

ImpossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant