Instants fugaces

LIV

Je suis arrivé avant Kris. Il a cinq minutes de retard et c'est surprenant de sa part. Mes mains tremblent et je les cale sous mes cuisses, assis au sol. J'espère qu'il ne m'a pas posé un lapin.

Un ricanement m'échappe : un lapin ? Sérieux Chad ? Je soupire et ravage encore ma coiffure d'une main, le cœur qui bat à cent à l'heure. Un nouveau coup d'oeil à mon portable, je me retiens de rappeler Kris.

- T'as l'air tendu comme un string mec. Détends-toi, on ne va pas à l'abattoir.

Kris se marre avant de laisser tomber ma veste sur mes jambes. L'air emplit mes poumons en même temps que le soulagement s'empare de moi. Lorsqu'il s'assoit devant moi, nos regards se fondent l'un dans l'autre. Le sentiment qui me prend à la gorge est violent : l'envie, le besoin, le manque. Tout se mélange et je fais la première chose qui me traverse.

Je me relève sur mes genoux, glisse une main dans sa nuque sans lâcher son regard. Ses yeux s'écarquillent mais il se laisse faire. Et en une seconde, je le tire contre moi, glissant mon bras dans son dos alors que le mien s'allonge sur le béton, emportant mon meilleur ami sur moi.

- T'es vraiment un gamin, Chad.

- Tu es parti de l'appart et j'ai eu zéro nouvelle depuis.

- Je t'ai manqué ?

Sa question est sincère. Il n'y a plus l'envie de rire, de se moquer de cette relation fusionnelle qu'on entretient depuis un moment. Doucement, il niche son visage contre mon cou, remontant sa main jusqu'à mes cheveux. Un frisson parcourt mon dos et je ferme les yeux, appréciant follement ce moment.

- Tu sais qu'il n'y aura pas de retour en arrière possible ?

- Je sais pas si j'ai envie qu'il y en ait un, en fait.

Kris rit et je caresse doucement sa nuque, détendu. Je n'ai aucune idée d'où on va mais tant qu'on emprunte ce chemin ensemble, je suis prêt à fermer les yeux. J'ai seulement besoin de sentir sa main au creux de la mienne pour avancer.