Instants fugaces

LV

- Oui maman, on est sur le chemin du retour. Et oui, Kris dort à la maison.

Ma mère soupire de soulagement en comprenant que les choses vont un peu mieux entre nous. Je jette un coup d'œil à mon meilleur ami qui s'est muré dans le silence. Rien ne s'est arrangé, en fin de compte. J'ai fui sa question et j'ai plutôt cherché à comprendre pourquoi ses parents sont des cons. Mais Kris m'a ignoré, il s'est contenté de me parler de ses recherches d'emploi et de mes cours.

On continue de marcher droit dans le mur.

Je raccroche lorsque ma mère se met à me dire de faire attention et passe un bras autour des épaules de Kris, une fois mon portable rangé.

- Tu sais ce qu'il serait sympa de faire ?

- Ouvrir les yeux ?

Je fais comme si je n'avais rien entendu et mon sourire étire mes lèvres, ce qui ne le déride pas.

- Une soirée avec le reste de la bande. Ca me manque !

Et voilà, les mots à ne pas prononcer s'échappent de mes lèvres. La tension chez Kris augmente d'un cran et il vire mon bras, ses yeux foudroyant me stoppe quand je tente de faire l'ignorant. Faut vraiment que j'arrête de déconner.

- Tu joues à quoi, Chad ?

- Je veux juste passer une soirée avec mes potes. C'est quoi le problème ?

C'est foutu pour se rattraper. Kris me le fait comprendre en hurlant, son poing cognant violemment mon épaule.

- Mais t'es taré !

- J'en ai marre de faire comme si je ne ressentais rien, Chad ! J'en ai marre de jouer le parfait meilleur ami alors qu'en réalité, je suis fou de toi ! J'en peux plus de te regarder et de me répéter inlassablement que non, je n'ai pas le droit de te sauter dessus ! Bordel, tu sais ce qui est encore plus dur ? C'est de voir que toi, tu t'en fous pas mal que je ressente tout ça ! Tu fais comme si de rien n'était et ça me rend dingue ! Tu me rends dingue !

Je n'arrive pas à répliquer. Ses larmes débordent et glissent sur ses joues, ce qui me détruit mentalement. C'est de ma faute s'il en arrive là. Je me déteste tellement. La haine me prend par surprise et vient ronger mes cellules une à une. Je ne sais pas comment réagir et ça me terrifie. Parce que si je ne fais rien, je le perds.

Et ça, ce n'est pas une possibilité. J'ai beau faire l'autruche, il y a des choses qui sont évidentes. Nous sommes une évidence.