Instants fugaces

XVIII

- Et c'est au tour de Kris !

Je tape dans mes mains alors que mon meilleur pote monte sur la scène du karaoké. Notre bande autour de la table, je dévore Kris qui s'assoit sur un tabouret, guitare à la main et micro devant lui. On est dans un coin du bar, réservé aux karaokés. D'autres groupes sont là et on passe chacun notre tour.

- Chante avec ta voix de pucelle !

J'éclate de rire en cognant mon poing contre un pote qui vient de crier. Kris lève son majeur et ferme les yeux pour se concentrer. Puis il entame les premières notes, les premières paroles et ça me transporte, avec lui, dans son monde. Two Straight Lines des Walking On Cars.

- You know I know that I love this place. You know that I love your grace. Don't wanna be anywhere but you...

Je déglutis alors qu'il ouvre les yeux, me cherchant une seconde du regard. Mon coeur bat un peu plus fort dans ma poitrine, des frissons courent sur mes bras. Mon souffle se coupe, mon corps se liquéfie alors que je brûle sous son regard de braise.

- I wanna wake up beside you 'til the end of time. Well, we can stay here forever. We're like two straight lines.

Je ne parviens plus à respirer, complètement subjugué par ses yeux, ses lèvres qui chantent avec toutes ses émotions ces paroles. Je ne m'entends plus vivre, transporté dans cette bulle que m'offre mon meilleur ami. Mon Kris.

- I'll be the king of your castle. Or my eye of the apple. Your crazy heart I can handle.

Je ne sais plus quoi faire, comment réagir alors que ses joues rougissent légèrement. Un sourire en coin étire ses lèvres, comme s'il était fier de son petit jeu. Petit jeu que j'apprécie un peu trop. J'inspire lorsqu'il se redresse, se mordant doucement la lèvre avant de reprendre la chanson.

Tout se passe au ralenti, comme si personne d'autre n'était là. Seulement lui, moi, nous. Et les notes commencent à s'apaiser, alors que la chanson arrive à sa fin. Mon coeur ne repart pas. Et ne repartira sûrement plus jamais lorsqu'il chante avec douceur, délicatesse et tendresse le dernier refrain. Celui qui me fait perdre définitivement la tête.

- We're like two straight lines. I know I've told you a hundred time, you're the best thing about my life. Don't wanna be anywhere but you. You know I know that I love this place. You know that I love your grace. Don't wanna be anywhere but you. We're like two straight lines.

Autour de nous, les gens se mettent à applaudir, explosant notre bulle et je détourne vivement les yeux. La respiration saccadée, le visage en feu. Et le coeur chargé de sentiments que je parviens pas à comprendre.