Instants fugaces

XII

Dépité, Kris s'assoit devant moi et boit une gorgée de sa bière.

- Je l'aurai jamais ce boulot.

- Pourquoi ?

- J'ai pas arrêté de bégayer pendant l'entretien. J'étais complètement à la ramasse.

Il fait cogner son verre sur la table et je fronce les sourcils. Je savais qu'il n'était pas fier de se prestation mais de là à s'emporter, il y a autre chose.

- C'est quoi le souci ?

- Je suis pas foutu de réussir une seule chose. J'ai pas l'école, pas le boulot, je suis une pauvre merde.

- T'as encore d'autres conneries à sortir ?

Mon meilleur ami soupire, me lançant un regard désabusé avant de boire sa bière. Je secoue la tête et m'installe correctement, prêt à le remettre à sa place.

- De un, tu n'es pas une merde. De deux, c'était ton tout premier entretien, évidemment que ça n'allait pas être parfait ! Et de trois, il faut des échecs pour avancer dans la vie. Si on réussissait tout dès le premier essai, on apprendrait pas et on ne grandirait pas. Un échec entraîne un succès.

- N'importe quoi, souffle Kris en roulant des yeux.

- Bon, stop, je persiffle en le foudroyant du regard. Tu vas arrêter tes délires et m'écouter bien sagement. Tu es intelligent, tu t'es planté pour ton premier entretien, comme les trois quart de la population mondiale et ce n'est pas un drame. Donc, tu vois ça comme quelque chose de positif, tu retiens tes erreurs et tu éviteras de les refaire la prochaine fois. Je suis bien clair ?

Sourire en coin, Kris ne répond pas et me dévisage une longue minute.

- Je suis intelligent ?

- Oh ça va, je grogne. Je reste le plus malin de nous deux.

Il éclate de rire avant de rougir lorsque je me penche pour passer ma main dans ses cheveux et capturer son regard.

- Fais-toi confiance, t'es le meilleur.

Puis je m'enfuis vers le bar, emportant mon verre vide. Les joues en feu et le cœur qui fait la fiesta au milieu de mon torse.