Chapitre 26 [1/2] ~ Le Syndrome du Primitif

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     L'éclat blanc persista. Des tours durant, Noà attendit qu'on vînt le chercher. Un défunt. Un vivant. Un dieu. N'importe qui le sortirait de cette inextricable réclusion. Cette sensation de ne pas savoir où il se trouvait le bouleversait en tout point. Peut-être était-ce la mort, après tout ; un monde constitué de vide, dépourvu de la moindre odeur, de la moindre perception. L'impression de vivre sans ressentir la faim ou la fatigue. Une éternité où la conscience voyageait dans une perpétuelle vacuité.

     Noà s'imprégna de cette quiétude et laissa son corps dériver dans l'inconnu. Ici, la chaleur des flammes était inexistante. Celle dégagée par les cadavres en putréfaction aussi. L'accalmie demeurait sans subir la moindre recrudescence. Pourtant, dès qu'il éprouva le besoin reprendre son souffle, Noà inhala à pleins poumons. L'air frais fit disparaître son univers illusoire. Le blanc de la lumière se changea en jaune d'or, puis en orange tanné.

     Il ouvrit les paupières avec difficulté, les yeux rivés sur l'astre de feu. Zunqèl entamait sa descente dans un ciel pourpre dévasté. Les nuages avaient une teinte de charbon. Les étoiles ne brillaient guère. Le vent ne soufflait pas.

     Quand il réalisa être dans un lit, Noà sentit son cœur rater un bond dans sa poitrine. Le moelleux du drap ne l'empêcha pas de paraître aussi lourd que du plomb. Paniqué, il détourna le regard pour analyser la pièce dans laquelle il se trouvait, mais il n'eut pas le temps de procéder. Ses yeux croisèrent les siens. Pendant un instant, ses craintes s'évaporèrent.

— Aria...

     L'ustraloise n'eut pas la force de sourire à son ami. De son visage déformé par la fatigue et le désespoir, Noà put y lire une souffrance inexhaustible. Ses prunelles céruléennes ruisselaient de larmes. Son bras droit était maintenu par un énorme bandage imbibé de sang. Les affres de Noà reparurent aussitôt pour le saisir à la gorge.

— Aria, répéta-t-il.

     Au fond, il ne voulait même pas lui parler. Sa peur d'entendre ce qu'elle avait à lui dire surpassait en tout point son soulagement de la revoir saine et sauve. Aria serra sa main de toutes les forces qui lui restaient et Noà sut, de par son regard, que ce qu'elle avait vécu au Lac des Elfes l'avait à jamais changée.

— On a perdu, souffla-t-elle simplement.

     Ces trois mots suffirent à l'anéantir. Noà essaya de repenser à ses derniers moments dans la grotte d'Andromède, ainsi que tout ce qui avait précédé sa perte de conscience, tandis qu'un torrent de questions déferlait dans son esprit.

     Roskaï, adossé contre l'arche de cristal. L'arrivée de Tòphios et ses sbires dans la caverne. La main serrée dans la sienne. La mystérieuse lumière blanche. Kalyö.

     Une rage incommensurable s'empara de son être. Noà se redressa, mais Aria le retint par l'épaule.

— Il faut que tu te reposes, l'avertit-elle. Ordre d'Androméda...

— Où sommes-nous ?

— Sur Errakys. Dans une auberge, près du château.

     Noà l'interrogea du regard.

— Le centre de soins est bondé, expliqua Aria. Les fées ont préféré ne garder que les blessés graves et aménager des parties du royaume pour les moins atteints.

     Noà souleva le drap qui recouvrait son corps. Le même type de bandage que son amie avait à l'épaule enveloppait sa jambe excoriée par la dague du nortox. Sa tête paraissait en feu et chaque mouvement qu'il s'autorisait lui coûtait un effort considérable.

Le Conte d'Ustral. Tome 1 ~ L'Oracle du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant