Ses yeux s'ouvrirent de nouveau dans la chambre souterraine. Lorsqu'il réalisa où il se trouvait, une terreur pure s'infiltra dans son corps, tandis que les voix – ancestrales et enjôleuses – qui s'échappaient des parois glacées l'incitaient à avancer.
Il laissa la force mystique posséder son être, sachant que toute résistance était inutile. Impossible.
À mesure qu'il se rapprochait du cœur du sanctuaire, la vapeur de son souffle dégagée par ses expirations irrégulières s'épaissit. Sa conscience l'implorait de faire demi-tour ; son pouvoir divin s'agitait dans ses entrailles avec une telle ardeur qu'il se crut sur le point de s'imploradier. Pourtant, quelque chose dans son esprit lui fit comprendre qu'il ne risquait rien, que ceci n'était qu'un rêve auquel il ne fallait lutter.
L'immense cristal noir lui apparut enfin, splendide, ténébreux. Ses facettes miroitaient à travers sa surface nitescente. Bien qu'il se rappelât de sa dernière visite, des silhouettes cadavériques de son frère et de sa mère enfermées à l'intérieur, il ne put s'empêcher d'observer la pierre précieuse par laquelle s'évadaient les chuchotements.
Perdu dans sa contemplation, il reprit ses esprits dès l'instant où une secousse ébranla la caverne. Aiguisés tels des crocs de dragon, d'énormes pans de roches se détachèrent de sa voûte calcite et s'écrasèrent au sol dans un horrible craquement. Les murmures, affolés, s'intensifièrent d'abord, puis s'éteignirent à l'unisson.
Dès lors, le silence se fit.
Le cristal s'immobilisa.
Le temps se figea.
D'abord inaudible, une voix reptilienne s'éleva de nulle part et partout à la fois. Son timbre éraillé déchira l'air glacial avant de s'infiltrer dans chaque particule de son organisme.
Il la reconnaissait. Il l'avait déjà entendue. Cette fois, contrairement à son rêve précédent, elle semblait vouloir le garder auprès d'elle, l'empêcher de se réveiller. Ce ne fut que lorsqu'elle lui adressa la parole que son cœur manqua de s'arrêter.
— N'as-tu jamais compris que tes invitatttions répétitives ont permis à l'Ombre de le localiser ? Te rends-tu compte que l'amener en ccce lieu n'a fait que sssceller ssson dessstin ?
N'ayant aucune idée de ce dont elle parlait, il essaya de lui répondre, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Il comprit alors qu'en plus de le priver de tout mouvement, l'aura mystérieuse l'empêchait de s'exprimer. Ses iris orageux s'écarquillèrent dès qu'une deuxième voix, encore plus ancienne, s'ajouta à la première.
— L'Ombre s'en est imprégnée depuis l'annihilation de l'Orme. Ta perfidie n'a aucun effet sur moi. Nous savons tous deux qu'il ne sera pas plus en danger à son réveil qu'il ne l'était avant de s'assoupir.
— Et pourtant... tu t'obssstines à le camoufler... à user de ta magie pour nous empêcher de découvrir ssson visage...
— Mes précédents agissements sont impardonnables, que ce soit auprès de mes frères, des dieux... auprès de chaque espèce ustraloise. Je ne recherche ni pardon ni rédemption. Seule la préservation d'Ustral me permettra désormais d'accueillir la Mort à bras ouverts. S'il comprend pourquoi je l'envoie ici, s'il découvre qui il était... alors ma sentence m'importe peu. Et ne te berce d'aucune illusion : ils lutteront jusqu'à leur dernier souffle pour te renvoyer là où tu appartiens.
En guise de réponse, un rugissement monstrueux s'échappa du cristal et fit disparaître la seconde voix.
Il se sentit alors sombrer, emporté par la force invisible qui cherchait désespérément à le renvoyer dans son monde. Lorsqu'il la crut réussir, un bras squelettique et translucide émergea de la pierre noire avant de s'agripper à son torse. La douleur, lancinante, lui arracha un hurlement, tandis que de longues griffes acérées pénétraient sa chair en profondeur.
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Le Conte d'Ustral. Tome 1 ~ L'Oracle du Temps
Fantasy« Né d'une étoile, le présage du Gouverneur Temporel s'abattra sur les contrées d'Ustral dans un déluge de ténèbres et de sang. Les émissaires de l'Ombre, surgis des catacombes d'Hoxynûr, répondront alors à son appel, assoiffés par le pouvoir... ani...