Le Conte d'Ustral. Tome 1 ~ L'Oracle du Temps

Chapitre 24 [1/2] ~ L'Afflux des Ténèbres

     Dès l'instant où Juxane, accompagnée des quêteurs, entra dans le Consulat, les murmures et contestations que Noà avait pu entendre derrière la porte s'évaporèrent. Un silence glacial envahit la pièce, aussi vide que l'état dans lequel se trouvait le xomythois. Une grande table en pierre trônait en son centre, uniquement éclairée par des braseros d'argent accrochés aux murs blancs.

     Assis aux côtés d'Androméda, Stelleüm se leva quand il aperçut sa fille. Ses yeux dorés la scrutèrent avec minutie, puis se dirigèrent sur le reste de l'assemblée. Une lueur sombre traversa son regard. Iryanä plongea ses iris dans les siens, le supplia mentalement de ne pas poser la question, mais le roi de Drakkä ne put s'y résoudre.

— Matharach. Pourquoi n'est-il pas avec vous ?

— Il est mort peu avant d'avoir atteint le repaire de l'Oracle du Temps, répondit Kalyö d'une voix faible. Il a sacrifié sa vie pour sauver la nôtre.

     Stelleüm se rassit lourdement sur sa chaise. Incapable de trouver les bons mots, il reporta son attention sur sa fille, ferma les yeux, puis souffla un grand coup, comme s'il remerciait les divinités d'avoir au moins épargné sa progéniture.

— Il savait dans quoi il s'engageait, finit-il par répliquer. Matharach était un homme juste, loyal envers son royaume et ses habitants.

     Stelleüm se tourna vers Cûrtiss, Raliénä et Sélianh, les trois drakkiens qui avaient décidé de l'accompagner pour livrer bataille. Tous portaient en eux la tristesse laissée par le départ de l'élémentaire de Glace.

— S'il a bel et bien permis aux quêteurs de terminer leur mission, d'aider Ustral à dissiper l'Ombre, nous ne pouvons nous permettre la moindre faiblesse, poursuivit le roi. Aucun répit ne sera accordé à ces monstrueuses infamies.

     Et en ces quelques mots, Noà observa les visages changer, passer de la peine à la haine, de la douleur à la rancœur. Car Stelleüm disait vrai. Matharach avait été le commandant du premier escadron, le guerrier le plus puissant de Drakkä. Il avait voué son existence à diriger son armée, à former les futurs soldats. Il avait apprivoisé deux dragons. Il s'était imploradié pour offrir une énième chance au continent d'être sauvé. Si chacun prenait son exemple et adoptait la même bravoure, Ustral demeurerait encore des millénaires.

     Le roi-Lumière incita les élémentaires à le rejoindre autour de la grande table. En s'exécutant, Noà put se concentrer sur les ustralois présents dans la pièce. Androméda et Aldarwam scintillaient dans leur armure d'Adzôd, d'un bleu abyssal si envoûtant qu'elles paraissaient tout justes forgées. À l'instar de sa sœur, Fyriss portait la même barde de croupe, fixée sur sa robe alezane, tandis qu'Oryâle, sous sa forme de fée, virevoltait à proximité de Roskaï et sa reine en se rongeant les ongles.

— Comment vas-tu ? demanda Stelleüm à Iryanä après qu'elle les eût rejoints. Votre entretien avec Kraskènyd s'est-il bien passé ? Avez-vous obtenu les vers de la Prophétie ?

     La princesse acquiesça.

— Nous pensons savoir quoi faire, mais je ne sais pas si c'est utile d'en... discuter maintenant.

     Elle se tourna vers Androméda, qui hocha la tête en signe de reconnaissance. Bien qu'elle eût laissé à Stelleüm du temps pour retrouver sa fille, la reine ne tenait plus en place. Son royaume était le premier Six Grands pris pour cible depuis qu'Arkalax avait décidé de traquer Kraskènyd. Errakys ne pouvait rejoindre Exhone dans les cendres et le sang.

— Elle a raison, renchérit-elle en s'adressant à toute l'assemblée. Nous convoquerons le Conseil une fois la guerre terminée. Le plus important est qu'Errakys fasse encore partie des cartes au lever de Zunqèl. Aldarwam ?