Chapitre 3 [2/3] ~ Invasion Indésirable

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- Précédemment -

     À quelques mètres devant lui, un petit garçon pleurait sur le cadavre de sa mère. Noà ne réfléchit pas une seconde et se précipita vers lui.

— Viens avec moi ! cria-t-il pour que sa voix passât au-dessus des hurlements.

     L'enfant releva la tête et tendit aussitôt les bras. Son corps entier convulsait de terreur. Noà le souleva avec peine et poursuivit sa route. Plus le temps s'égrainait et plus l'air se changeait en un amas de fumée, rendant la respiration presque impossible. Des cendres chutaient du ciel comme de vulgaires flocons de neige. Noà commençait à suffoquer, tant le poids du garçon qu'il portait l'accablait. Il manqua de s'évanouir à plusieurs reprises. Après quelques minutes, un voile embruma sa vision et, trop affaibli, il ne parvint à distinguer le corps dans lequel ses pieds s'emmêlèrent. Il s'écroula tête la première sur le bitume, entraînant au passage l'enfant dans sa chute, et perdit connaissance.

***

     Il s'éveilla dans une cité enneigée désertique. Le temps semblait en suspens. Aucun son ne vint troubler le silence mortuaire qui régnait, pas même le bruit du vent ou celui de ses pas s'écrasant sur la couche épaisse et immaculée.

     De gigantesques tours d'ivoire calcinées trônaient sur le lieu tels des dieux protecteurs. La guerre avait autrefois ravagé et anéanti toute civilisation existante, il en était persuadé.

     Il n'avait aucune idée de ce qu'il faisait, ni même où il se rendait. Ses pieds avançaient contre sa volonté, mais il ne lutta pas, sachant au fond de lui-même que cela ne servirait à rien. Même s'il refusait d'aller plus loin, la force invisible qui l'entraînait l'empêchait de reculer.

     Au détour d'une longue ruelle, il aperçut un énorme bâtiment aux parois dorées et argentées. Elles scintillaient si fort qu'il dut baisser les yeux pour ne pas être ébloui. À mesure qu'il se rapprochait de l'édifice, son rythme cardiaque s'intensifia, comme si son palpitant essayait de l'avertir d'un danger.

     Croyant être seul depuis le début, il se rendit compte une fois devant le monument qu'un homme l'attendait. Celui-ci, vêtu d'une étrange robe grise tachée de terre et de sang, paraissait aussi vieux que le monde. Il avait le visage décharné et le teint blême. Ses yeux ébène étaient parsemés de cernes. Une longue barbe argentée cachait la partie inférieure de sa figure, tombait jusqu'à ses genoux, qui semblaient sur le point de se dérober.

     L'homme demeura silencieux. Quand il le vit arriver, il se contenta de tourner les talons et s'introduire dans l'édifice.

     Sans expliquer pourquoi, il sut qu'il fallait à tout prix le rejoindre, comme si entrer à son tour était une question de vie ou de mort. Il ordonna à ses pieds de s'exécuter, en vain. Ses jambes refusaient de lui obéir. Le vieil homme disparut derrière l'énorme porte dorée.

     Il se mit alors à crier, à hurler aussi fort qu'il le pût pour l'inciter à l'attendre, mais aucun son ne s'extirpa de sa bouche. Il scruta désespérément les alentours quand le vent souffla. Une légère brise s'éleva, suivie de puissantes rafales, qui, elles-mêmes, se changèrent en un ouragan impétueux.

     Prisonnier de son propre corps, il luttait de tout son être pour avancer, dans le but de trouver un abri. Quand le vent fut assez fort pour le soulever, il l'emporta avec lui dans la direction opposée. Ses pieds décollèrent du sol et le bâtiment s'éloigna de son champ de vision. Il allait si vite que tout autour de lui se mit à tournoyer et à se voiler. Après une attente interminable, les rafales disparurent aussi rapidement qu'elles étaient parvenues. Il s'effondra alors sur le sol. Son nez heurta une matière dure et froide, et la douleur lui explosa au visage.

Le Conte d'Ustral. Tome 1 ~ L'Oracle du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant