Chapitre 10 [1/2] ~ Smaragdus

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     Lorsque Noà heurta le conifère, un coup de jus traversa son coccyx et remonta le long de sa colonne vertébrale. Un deuxième choc lui arracha une plainte quand il entra en collision avec le sol forestier. L'élémentaire eut le réflexe d'utiliser son bras pour atténuer la chute mais, se rendant compte trop tard de son erreur, n'eut pas l'occasion de le retirer. Son poignet émit un craquement qui résonna dans ses entrailles et le fit crier de douleur.

     Le temps s'arrêta autour de lui. Dans le ciel, les nuages et la cime des arbres s'immobilisèrent. Noà entendit son cœur battre à vive allure jusque dans son crâne tandis qu'une forme noire apparut au-dessus de sa tête. Deux minuscules flammèches s'agitaient dans tous les sens, essayaient désespérément de le relever. Une main agrippa alors son poignet douloureux et l'ustralois gémit de plus belle.

— Arrête ! s'égosilla-t-il, sur le point de s'évanouir.

     Comprenant qu'il était blessé, Töm le relâcha. Noà porta le regard sur les lèvres de son ami qui lui hurlait des paroles indiscernables. Après quelques secondes, quand le bourdonnement qui martelait son crâne s'atténua, il réussit à déchiffrer le mot « Aria ».

     Tout lui revint dès lors à l'esprit : le souffle âcre, l'étrange masse scintillante, le filament noir. Terrifié, Noà tourna la tête dans la direction que pointait Töm du doigt et manqua de défaillir.

     Secouée dans les airs par la même corde qui l'avait envoyé dans un arbre, Aria était confrontée à une espèce de scarabée gigantesque. En temps normal, Noà aurait trouvé cette créature magnifique. La surface de sa carapace, variant du bleu cobalt au vert de chrome, réverbérait Zunqèl et la rendait encore plus scintillante qu'un diamant irisé. Malgré cela, son corps aussi large qu'un tronc de chêne, ses yeux jaunes fluorescents et les deux longues cornes incurvées qui ornaient son crâne suffirent à effrayer l'ustralois. En se concentrant davantage sur le filament visqueux qui retenait son amie, Noà comprit avec horreur qu'il s'agissait en réalité de son nez. Une mystérieuse pierre d'ambre décorait son extrémité et brillait avec plus d'intensité à mesure qu'Aria se débattait.

     Noà balança une salve électrique sur le coléoptère afin de détourner son attention, mais l'animal resta braqué sur la xomythoise. À force de gesticuler, Aria parvint à dégager une de ses mains. Elle envoya à son tour une vague sur la carapace de l'insecte, qui eut l'effet d'une vulgaire éclaboussure. Désespérée, elle se remit à hurler quand la créature commença à donner des coups de cornes hargneux dans l'air ; certains manquant de l'empaler de justesse.

     Noà se releva avec peine. Le corps toujours endolori, il se rapprocha du monstre et projeta une deuxième décharge, puis une troisième. Il visa d'abord sa carapace, essaya ensuite d'atteindre ses pattes, mais rien ne fonctionnait. Son épiderme était aussi résistant que le métal.

     Une vive lumière passa soudain à quelques mètres de lui. Elle alla heurter le scarabée et enflamma une partie de son corps. Celui-ci lâcha Aria dans un grognement strident. L'ustraloise retomba sur le côté, demeura immobile jusqu'à ce que Noà et Töm la rejoignissent. Sans perdre de temps, les deux garçons la relevèrent et la déposèrent contre un arbre.

— C'est toi qui as fait ça ? souffla Aria à son frère en grimaçant.

— Je vois pas en quoi ça te surprend, lui répondit-il d'un sourire fier.

     Après plusieurs roulades au sol, le scarabée se dégagea des flammes qui dansaient sur sa carapace et reporta son attention sur ses visiteurs. Comprenant que sa sœur devait récupérer et que son ami se remettait à peine de sa chute, Töm décida de s'éloigner. Il matérialisa deux orbes ardents qu'il agita devant la gueule du coléoptère.

Le Conte d'Ustral. Tome 1 ~ L'Oracle du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant