Chapitre 10 [2/2] ~ Smaragdus

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- Précédemment -

     Noà s'autorisa à jeter un coup d'œil dans son dos et l'aperçut. La silhouette du coléoptère se rapprochait et renversait les arbres comme s'il s'agissait de simples brindilles. Malgré tous ses efforts, le xomythois savait que ce n'était plus qu'une question de minutes avant que leur ennemi les rattrapât. Son bourdonnement s'amplifiait petit à petit. Leur fuite les avait trop exténués pour qu'ils combattissent dans de bonnes conditions.

     Sans comprendre pourquoi, Noà pensa à son frère. Si Isach avait été avec eux, il aurait su contrôler les éléments de la forêt pour mettre cette créature hors d'état de nuire. Le lieu regorgeait de branches, de lianes, de tiges épaisses ; tout ce qu'il fallait pour leur faire gagner du temps et sortir d'ici en vie.

     Noà chercha des endroits où se cacher. Leur avance était si mince que leur ultime espoir résidait dans le fait de se rendre invisible. Occupé à scruter les alentours, il ne se rendit même pas compte de où Töm et lui fonçaient sans réfléchir.

     Un peu plus loin, une vaste clairière se dessinait. Aucun arbre, aucune roche, aucun obstacle ne pourrait ralentir l'insecte. Noà voulut s'arrêter et changer de direction, mais il comprit bien vite qu'il était trop tard. Pris dans leur élan, les deux élémentaires débouchèrent sur la plaine verdoyante.


     Ils étaient désormais encerclés par le vide ; un vide qui permettait aux rayons de Zunqèl de pénétrer dans le domaine, d'illuminer l'herbe d'un éclat doré, mais qui représentait, par la même occasion, la cause de leur trépas. Ereintés, ils finirent par abandonner et se laissèrent choir. Noà s'évertua à retrouver sa respiration, mais entendre le bourdonnement ne le fit que paniquer davantage. Il observa alors l'horizon, là où la nature reprenait ses droits. La distance à parcourir était bien trop importante pour les tirer d'affaire.

— Risque sept, tu parles ! cracha-t-il en repensant au panneau à l'entrée de la forêt.

— On va vraiment se faire tuer par cette grosse larve ? Aussi près du but ? renchérit Töm, qui peinait aussi à reprendre son souffle.

— Non. Hors de question. Il faut que...

     Avant qu'il n'eût pu terminer sa phrase, le scarabée débarqua dans la clairière. Il se posa au sol dans un bruit sourd, rétracta ses longues ailes dans sa carapace et enlaça Töm à l'aide de son nez. L'ustralois n'eut même pas la force de crier. Il se débattit sans aucune vigueur et, du regard, supplia Noà de lui venir en aide. À bout de force, l'élémentaire tenta une offensive désespérée qui ne lui infligea pas le moindre dégât. Töm fut alors soulevé dans les airs et blêmit à l'instant où la pierre d'ambre – située à l'extrémité de la corde noire – se mit à scintiller.

— Mon... mon élément... pantela-t-il.

     Noà eut l'impression de recevoir un coup de massue en pleine poitrine. Le minerai était en train d'aspirer l'énergie vitale de son ami, de le vider de ses dernières parcelles de forces, et il ne pouvait absolument rien faire pour l'en empêcher.

     Alors, sans comprendre la raison, une sensation de chaleur envahit son être et Noà se releva. Ses mains se mirent à crépiter et à trembler d'une manière inconnue. Il sentit son élément vibrer dans son corps. De l'électricité jaillit de ses doigts sans qu'il pût la contenir et il prit conscience, à cet instant, que sa Foudre n'attendait qu'une seule chose : être déversée.

     Noà ferma les yeux. Il se représenta le coléoptère dans son esprit, puis intima à son pouvoir divin de se déchaîner sans aucune retenue. Un craquement déchira l'air la seconde qui suivit. Vidé de toute énergie, le xomythois chancela. Devant lui, l'insecte était couché sur le dos et agitait ses pattes dans l'espoir de se redresser. Töm, inerte, gisait à ses côtés.

Le Conte d'Ustral. Tome 1 ~ L'Oracle du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant