Lorsque je me suis redressée, après m'être rincée la bouche et le visage, j'ai jeté un coup d'œil prudent à la fenêtre qui menait droit sur la terrasse, redoutant d'y découvrir une paire d'yeux curieux, guettant le moindre de mes faits et gestes. Mais contrairement à mes attentes, il n'y avait personne.
J'ai poussé le plus long soupir de soulagement du monde. Mon entrée était vide. Pas d'inconnu, couteau à la main, patientant tranquillement que je sorte pour me trancher les veines. Je me suis mordu la lèvre et me suis maudite intérieurement : non mais qu'est-ce qui me prenait ?
J'en étais arrivée à un tel stade de stress que j'imaginais qu'on me poursuivait dans tout Silverwood ?
— Tu n'as pas le profil de la cible, Alya, me suis-je répété à voix haute plusieurs fois, comme un mantra.
Et après un temps, je suis parvenue à m'en convaincre. C'est là que j'ai fini par tourner la tête pour tomber nez à nez avec le mot, accroché au frigo et écrit en rouge afin d'attirer mon attention. J'ai immédiatement poussé un soupir de désespoir : « Ma chérie, il n'y a rien à manger. Je t'ai envoyé un message mais je préfère te l'écrire ici : pense à passer à l'épicerie avant la tombée de la nuit. Gros bisous, ton papa qui t'aime ».
C'était un cauchemar. Je venais de rentrer chez moi la boule en ventre, pensant être traquée par un tueur en série et on me demandait de ressortir ? Ma poitrine s'est serrée : et si, en le faisant, je tombais sur les empreintes de pas ? Et si j'avais la preuve que je ne venais pas de rêver ? Que m'arriverait-il ensuite ? Finirais-je comme les autres victimes ?
La formulation de cette crainte m'a confortée dans l'idée qu'il était hors de question que je ressorte ce soir. Après examen approfondi du contenu de notre frigo, j'ai dû reconnaître qu'il n'y avait strictement rien à manger. En temps normal, je me serais passée du dîner et serais partie me coucher de bonne heure.
Mais vu combien je manquais d'énergie en ce moment, je ne pouvais pas m'y résoudre. Aussi, j'ai décidé que j'allais me faire livrer. J'avais très peu d'argent de poche, mais le dépenser en nourriture ne serait pas un gâchis, j'en étais certaine.
Je me suis promis de commander avant dix-sept heures, pour ne pas avoir à ouvrir la porte la nuit et suis allée m'installer devant la télé, me connectant à Netflix pour lancer un programme comique, histoire de me changer un peu les idées.
J'étais en train de rire à une remarque de Barney Stinson quand mes paupières se sont brusquement alourdies. J'ai gémi : pas encore ! À croire que je n'étais plus capable de rester éveillée. J'ai tenté de résister à la fatigue pendant un moment, mais, après un épisode, je ne pouvais plus tenir.
Lentement, mes yeux se sont fermés et, avant même de m'en être rendu compte, je sombrais dans un énième cauchemar, le pire de tous.
***
— Alors, Al, tu es enfin prête à me révéler la fin de ton prénom ?
J'ai voulu nier, mais je n'y suis pas parvenue. Ma voix s'est bloquée derrière mes dents, refusant de s'échapper de ma bouche. La dame au sari est partie d'un rire sardonique.
— Al, Al, Al, il semble que tu n'es pas assez familière avec la magie de la nuit... Sache qu'une fois le sortilège de persuasion lancé, sa cible est incapable de lui échapper. Même si tu as retrouvé tes protections surnaturelles, tu ne pourras pas garder le silence. Et personne ne te viendra en aide.
J'ai su qu'elle disait vrai à la seconde où les phrases ont glissé sur sa langue pour voler jusqu'à mes oreilles. Je ne pourrais pas m'enfuir. Pas cette fois. Le désir ardent de lui répondre était revenu, plus puissant encore que tout à l'heure.
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L'Éveil d'Alya
Teen FictionAlya Clarke descend d'une longue lignée de sorcières. Du haut de ses dix-sept ans, elle n'attend qu'une chose : son éveil, le moment où elle pourra enfin intégrer le Coven des sorcières de Ryneshire et assister aux cours de l'école de magie. Malheur...