Samedi et dimanche ont été aussi rapides qu'un battement de paupières. Mes parents et Juliette n'ont cessé de prononcer des sortilèges dans la totalité de la maison, amassant un nombre de tournesols jamais égalé auparavant et brûlant de la sauge à tout va. Mon salon sentait à présent si fort que j'en avais les larmes aux yeux et je devais carrément tenir mes bras tendus devant mes épaules pour éviter de faire tomber une de leurs malheureuses plantes chéries.
Non pas que je n'étais pas habituée : tous les ans c'était la panique. Mais cette année, c'était pire car je serais seule à la maison et que ça ne rassurait pas ma mère. J'avais beau ne pas être une sorcière à leurs yeux – surtout sachant que j'avais gardé le secret au sujet de la magie de la nuit – il fallait croire qu'elle craignait tout de même qu'une force maléfique décide de venir m'aspirer dans un trou noir, ou un autre truc pas cool du genre.
Enfin, le lundi a pointé le bout de son nez, amenant avec lui la parfaite journée d'Halloween. En passant ma tête par la fenêtre, j'ai découvert une brume épaisse qui naviguait entre les arbres de la forêt. Le soleil était emprisonné par une cour de nuages denses qui filtrait sa lumière pour éclairer le monde d'une lueur sombre et ténébreuse. Étrangement, ma gorge s'est serrée face à ce spectacle.
Mon téléphone a sonné sur ma table de nuit et, encore une fois, j'ai vu le nom de Neven s'afficher : « Ne sors pas ce soir, sous aucun prétexte ». Mon cœur a manqué un battement et je me suis frotté les yeux pour m'assurer que je ne rêvais pas. Sans attendre, j'ai cliqué sur la notification et répondu à la hâte, les doigts tremblants : « Pourquoi tu dis ça ? C'est quoi le problème ? ».
Non pas que j'aie eu la quelconque intention de faire la fête – j'avais interdiction formelle de mettre le nez dehors par mes parents – mais j'aurais aimé savoir à quel danger je m'exposais. Hélas, après envoi du message, j'ai eu beau patienter de longues minutes, Neven n'a rien dit. Il m'avait bien prévenue qu'il ne serait pas joignable vendredi dernier, mais quand même !
Il aurait pu m'appeler avant de partir ! M'expliquer ce qui lui arrivait ! Son attitude me mettait hors de moi, j'avais envie de tout casser, son nez en premier lieu. Avec un soupir de frustration, j'ai balancé l'appareil sur mon lit, il a rebondi sur le matelas avant de tomber lourdement sur la moquette.
— C'est ça, punis-toi tout seul, engin inutile ! ai-je maugréé.
Puis, sans vérifier si le portable allait bien, je suis sortie pour descendre dans la cuisine. Comme prévu, j'étais complètement seule. Le silence était effrayant et quand j'ai rejoint la cuisine, j'ai entendu les fenêtres ployer sous le poids du vent qui les secouait. Un frisson m'a traversée. J'aurais pu me trouver au milieu d'un thriller en cet instant : tous les codes du genre étaient au rendez-vous et ça ne me rassurait que très modérément.
J'étais sur le point de faire machine arrière pour me réfugier dans ma chambre quand le fixe s'est mis à sonner. J'ai honte de le dire, mais j'ai sursauté. Reprenant mes esprits en comprenant que ce n'était rien d'autre que cette chansonnette débile que Nathan avait sélectionnée quand on avait douze et treize ans, je me suis avancée dans le salon pour décrocher.
— Alya ? Pourquoi tu ne réponds pas au téléphone ?
La voix de ma mère a fait irruption dans ma tête, exprimant une certaine inquiétude. Je me suis passée la main sur le visage, honteuse : je savais bien qu'elle était toujours au bord de la crise de nerf en cette période, surtout maintenant qu'elle devait me laisser toute seule. J'aurais dû penser à garder mon téléphone avec moi.
— Je suis vraiment désolée. Je suis descendue et j'ai laissé mon portable en haut.
Elle a soufflé à l'autre bout du fil, comme si elle respirait pour la première fois depuis plusieurs minutes.
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L'Éveil d'Alya
Teen FictionAlya Clarke descend d'une longue lignée de sorcières. Du haut de ses dix-sept ans, elle n'attend qu'une chose : son éveil, le moment où elle pourra enfin intégrer le Coven des sorcières de Ryneshire et assister aux cours de l'école de magie. Malheur...