Chapitre 51 - Retour sur la nuit passée

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Je suis demeurée immobile, muette pendant un temps infini. Vampires, ce mot m'évoquait bien plus les monstres qui m'avaient attaquée la veille que Neven. Parce que Neven était différent, parce qu'il avait du sang de sorcier, parce qu'il n'était pas une véritable créature sauvage.

— Je n'ai pas eu le choix, ma belle. Si je n'avais pas fait ça, il serait mort sur le pas de ta porte. Il fallait que j'agisse, il fallait...

— Je sais, ai-je soufflé.

Et c'était la vérité. Si je me mettais à la place de mon Adelphe, je prenais exactement les mêmes décisions. Je n'aurais pas été capable de le laisser partir, même si cela impliquait de changer sa nature, de modifier le cours de sa vie.

Cependant, une question continuait de tourner dans mon esprit, s'accompagnant d'un voyant lumineux et d'une alarme stridente.

— Mais... est-ce que... est-ce que le fait que tu l'aies transformé va en faire... quelqu'un d'autre ?

Le regard du vampire s'est assombri et sa mâchoire s'est contractée.

— Tu es en train de me demander si sa nature d'Igel va le changer, c'est ça ?

Mes yeux se sont mis à brûler et je me suis mordue la lèvre. Ne me sentant pas capable de le dire à voix haute, je me suis contentée de hocher vigoureusement la tête puis j'ai attendu la suite, une boule aussi lourde qu'une chape de plomb me pesant sur l'estomac.

J'ai vu un millier d'expressions différentes passer sur le visage de Neven. D'abord la tristesse puis l'hésitation, la peur et le déni, le malaise, la colère, le dégoût et enfin... la résignation. Il a poussé un profond soupir avant de répondre :

­— C'est un peu compliqué. Je ne peux pas savoir à quel point mon sang l'a affecté. Certains perdent toute leur humanité lorsqu'ils mutent, d'autres au contraire, résistent aux effets de la nuit.

Mon cœur s'est mis à battre la chamade. Ma main moite a serré les doigts du vampire et j'ai demandé d'une voix faible :

— Comment peut-on le savoir ?

Cette fois, Neven ne m'a pas fait attendre :

­— On ne peut pas vraiment savoir, c'est le résultat de plusieurs facteurs. Déjà, ça dépend de la quantité de sang qu'il restait dans le corps de Cameron quand il est mort. Ensuite, ça dépend de la puissance de l'Igel qui transforme et du penchant de celui-ci, enfin, on pense que ce sont ceux dont la force mentale est plus développée qui réussissent à conserver leur humanité.

Un filet d'espoir a encerclé ma poitrine.

— Donc pour résumer : Cameron a des chances de rester le même ! Tu es un vampire puissant et tu es du côté des gentils, il était très bon de son vivant et... bon d'accord, il a perdu beaucoup de sang, mais ça ne fait qu'un critère sur trois qui ne remplit pas la case !

J'avais besoin de m'accrocher à cette idée, besoin de croire que je ne l'avais pas perdu, besoin de savoir que je n'en avais pas fait un monstre. Imaginer Cameron Lee en vampire, plantant ses crocs dans ma peau et me vidant de mon sang m'horrifiait. Je ne serais pas capable de vivre avec ça sur la conscience. C'était au-dessus de mes forces.

Neven a posé sur moi un regard empli de compassion puis il a déclaré d'une voix douce :

— Comme je te l'ai dit, on ne peut être sûrs de rien. Il faut attendre.

J'ai fait la sourde oreille. Ces trois derniers mois, je n'avais fait que ça : attendre de faire mon éveil, attendre que Neven revienne, attendre que mes parents résolvent leurs problèmes, attendre que ma famille rentre le soir... J'en avais marre.

L'Éveil d'AlyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant