— Pourquoi prends-tu autant de temps ?
J'ai cligné des yeux et découvert la femme au sari rouge, face à moi. Toujours perdue au milieu de la marée de fleurs immaculées, elle s'était cependant un peu rapprochée, tendant ses doigts fins et graciles dans ma direction.
— Viens, sorcière... a-t-elle répété.
Mon cœur s'est affolé tandis que je tentais d'esquisser un pas. Hélas, les racines semblaient déterminées à me barrer la route : s'enroulant autour de mes chevilles, elles m'empêchaient d'avancer, me retenaient sur place, incapable de rejoindre la femme aux cheveux flottants et au regard incandescent.
— J'ai besoin de toi, sorcière, vite ! a-t-elle insisté.
— Je... je ne peux pas... ai-je répondu dans un souffle.
La nuit était lourde, elle pesait sur mes épaules et les quelques rayons de la lune teintaient le paysage d'une nuance iridescente, fantomatique. J'avais l'impression d'être seule au monde, à des années lumières de cette mystérieuse femme, qui voulait tant que je la rejoigne.
Soudain, l'air est devenu épais autour de moi. Le champ s'est agité, rugissant sous la puissance des bourrasques et ma chevelure s'est emmêlée, fouettant violemment mon visage. Mes épaules ont été poussées et j'ai manqué de tomber, entraînée par la force de ce souffle surnaturel.
— Je te dis de venir !
Cette fois, la femme a hurlé. Sa voix a fait trembler la terre où mes pieds reposaient et la lune s'est cachée derrière les nuages, fuyant les échos assourdissants de son ordre qui se répercutaient partout dans le ciel.
L'obscurité nous a envahies et j'ai dû plisser les paupières pour réussir à la discerner.
— Sorcière, je ne te vois pas, je t'entends à peine... J'ai besoin que tu te rapproches ou alors... (elle a fait une courte pause et une drôle de sensation m'a traversée le dos : un frisson glacé par la peur) Crie-moi ton nom.
Je ne savais pas pourquoi, mais je n'en avais pas envie, une voix à l'intérieur de mon esprit me hurlait de me taire. Hélas, son ton était intransigeant et sa présence m'intimidait, si bien que j'ai décidé d'ignorer mon instinct, malgré l'alarme qui s'égosillait dans mes oreilles.
— Je m'appelle A...
Subitement, l'air s'est coupé, ma gorge s'est fermée et aucun son n'a pas s'échapper de mes lèvres.
— Qu'as-tu dit ? s'est impatientée la femme.
— Je m'appelle A...
Cette fois, ma poitrine s'est comprimée et mes poumons se sont serrés, faisant naître une douleur insupportable dans mon corps. Je me suis pliée en deux, cherchant l'oxygène qui s'était évaporé de mes narines et, tandis que la femme continuait de réclamer mon nom, je me suis sentie perdre l'équilibre.
Mon corps a chuté, mon visage a rencontré la terre et, sans pouvoir résister, j'ai fermé les yeux. Les racines des fleurs blanches se sont mises à ramper et je les ai senties recouvrir mon dos, me capturer, m'emprisonner, m'effacer. Je n'ai pas pu lutter, doucement, je me suis laissée avaler, jusqu'à disparaître entièrement sous terre...
***
— Non !
Je me suis brusquement redressée, tendant les mains dans le vide, griffant un ennemi invisible. Cependant, après quelques battements de paupières, j'ai soudain réalisé que je ne me trouvais plus dans le champ, mais dans un lit et la respiration apaisée de Juliette m'a ramenée à la réalité. Je me trouvais au beau milieu de ma chambre. Ça n'avait été qu'un cauchemar.
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L'Éveil d'Alya
Fiksi RemajaAlya Clarke descend d'une longue lignée de sorcières. Du haut de ses dix-sept ans, elle n'attend qu'une chose : son éveil, le moment où elle pourra enfin intégrer le Coven des sorcières de Ryneshire et assister aux cours de l'école de magie. Malheur...