Chapitre 27 - Un froid mortel

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Lorsque j'ai entendu le moteur de la voiture ronronner le long du chemin cahoteux, j'avais mis la table, fait cuir une poêlée de légumes et enfourné un cake au citron. Toute la maison embaumait une douce odeur de nourriture et j'avais monté la température pour que, quand ma famille entrerait, elle se sente bien au chaud.

J'étais vraiment une fille en or.

Après avoir répondu à Cameron, qui me demandait si j'étais encore seule, j'ai accouru dans l'entrée pour accueillir tout le monde. Ils seraient sûrement épuisés et j'avais hâte de voir leur tête en comprenant la jolie surprise que j'avais préparée.

Étrangement, ils ne s'annoncèrent pas en sortant du véhicule. Habituellement, ma mère beuglait dans le jardin pour annoncer son arrivée et attendait que Juliette et moi lui sautions dans les bras. J'ai haussé un sourcil : que s'était-il passé la nuit dernière ? Étaient-ils vraiment à bout de forces ? Dans ce cas, peut-être qu'ils n'auraient pas la foi de manger le repas que je leur avais mitonné.

Mon cœur s'est serré mais j'ai préféré me préparer à l'avance : après tout, ce n'était pas leur faute s'ils étaient crevés et je n'allais quand même pas les obliger à manger alors qu'ils n'étaient même plus capables de parler.

Trépignant d'impatience malgré tout, je me suis approchée de la porte, prête à leur adresser mon plus joli sourire. J'étais vraiment de bonne humeur. Et puis, j'osais espérer qu'en les amadouant avec un bon repas, l'épisode de la veille et de l'intrus passerait plus facilement quand je le leur révèlerais.

C'est en y pensant que je me suis rendu compte que j'avais oublié de ranger la terrasse. Mince ! Papa allait péter un câble en voyant l'état des tournesols. J'étais sûre qu'il prendrait ça pour de la provocation. Mon cœur a soudain manqué un battement : et si c'était pour cette raison qu'ils ne m'avaient pas appelée ? Et s'ils étaient tous furieux ?

Ni tenant plus, je me suis jetée sur la porte, prête à l'ouvrir, mais Juliette m'a devancée. Nous sommes tombées nez à nez. Et je me suis figée, choquée. Elle avait les yeux rouges, le teint pâle et les joues creuses. Ce n'était pas seulement une mauvaise nuit qu'elle avait passé : elle avait pleuré.

— Mais... Qu'est-ce qui t'arrive ? Tout va bien ? ai-je demandée, inquiète.

Ma cousine ne m'a pas répondu. Elle a plissé les paupières et j'ai vu une larme se former entre ses cils. Mes genoux ont flageolé sous le coup de la peur. Je n'avais jamais vu Juliette dans cet état. Même lorsqu'elle avait dû quitter ses parents pour venir étudier en Angleterre, quand elle était partie de la Corée du Sud alors qu'elle n'avait que six ou sept ans, elle avait gardé la tête haute.

Et pourtant, je n'osais imaginer ce qu'elle avait ressenti ce jour-là. Me mordant la lèvre, j'ai approché doucement ma main de son épaule pour la réconforter. D'un geste brusque, elle m'a repoussée et a foncé dans le salon sans donner d'explication.

Interdite, j'ai tourné la tête vers les deux nouveaux arrivants. Cette fois, j'ai eu l'impression qu'on m'avait poussée de la fenêtre du premier : ils étaient aussi débraillés que ma cousine. Maman avait les cheveux hirsutes et des cernes noirs tandis que papa avait les lèvres craquelées à force de les avoir trop mâchouillées – c'était de lui que j'avais pris le tic.

— Qu'est-ce qui se passe ? ai-je répété, la nausée montant dans mon ventre sans que je puisse vraiment savoir pourquoi.

De nouveau, personne ne m'a répondu. Les deux adultes m'ont contournée pour suivre Juliette dans le salon. J'ai alors entendu la télé s'allumer et quand je suis arrivée près du sofa, ils étaient tous recroquevillés dans les coussins, les épaules voûtées et les regards fixés à l'écran comme si celui-ci allait leur rendre leurs forces vitales.

L'Éveil d'AlyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant